Une tempête oblige Shanna et son frère à accoster la petite île de Pointe-au-Bec. Dans l’unique auberge, ils découvrent des habitants sidérés par l’annonce d’un désastre planétaire : une mousse bleue envahit les villes, étouffant tous les humains sur son passage… sans qu’on n’en connaisse la cause.
À terre, Noa, l’ex-petit ami de Shanna, tente d’échapper au fléau parmi des survivants prêts à tout et des ados emprisonnés qui espèrent profiter de la situation.
Shanna, elle, s’inquiète de plus en plus : reverra-t-elle sa famille un jour ?
Voilà longtemps que je n’avais pas lu un roman de survie qui m’emballe autant !
Le récit commence presque comme un roman de vacances : Shanna, son frère Aron, et le meilleur ami de ce dernier, tracent leur route à bord d’un voilier hyper performant. L’endroit idéal pour que Shanna se remette de sa peine de cœur – Noa, son petit ami, l’ayant laissée tomber quelques jours plus tôt pour une fille croisée dans la grande ville où il est parti étudier. Tout irait parfaitement si une mousse bleue n’avait pas commencé à se répandre partout dans les grandes villes.
C’est par la mention de cette mousse bleue que Marc Cantin et Isabel introduisent très rapidement, et très efficacement, une sensation de malaise durable. Or, celle-ci ne désarme pas avec la tempête qu’essuient les navigateurs… qui leur font prendre conscience que la fameuse mousse bleue n’est pas que décorative. Elle phagocyte en fait le béton (d’où son apparition dans les grandes cités) et ravage tout sur son passage, qu’il s’agisse d’un minéral, d’un végétal, ou d’un animal. On n’est donc pas dans un roman post-apo, ou pas tout à fait, puisque l’apocalypse, on y assiste en direct !
Ce contre-pied amène d’intéressantes perspectives, notamment en termes de réactions des personnages. On n’est d’ailleurs pas au bout de nos surprises, puisqu’il apparaît rapidement que l’apparition de la mousse… n’a rien de naturel. En plus, donc, de proposer une intrigue survitaminée, Marc Cantin et Isabel jouent parfaitement de l’ambiance de malaise qu’ils ont instaurée, en l’exploitant au maximum. Le parti-pris de la contamination de main humaine induit évidemment quelques dilemmes moraux chez les personnages, que le duo d’auteurs se garde bien de trancher. Cela donne beaucoup de profondeur au récit, et incite à réfléchir non seulement à ce que l’on ferait dans une situation similaire, mais aussi au bien-fondé de la contamination à la mousse.
« Aron aimait profondément le monde mais ne parvenait pas à y trouver sa place, surtout depuis le décès de son père. Ses rêves gelaient. Jamais satisfait, ici et ailleurs, il naufrageait dans un océan tourmenté. »
On sent bien que Shanna est le personnage principal, mais la narration saute de l’un à l’autre, s’intéressant tour à tour à Noa (son ex petit-ami qu’on aimerait détester mais qui nous réserve de bonnes surprises), à Aron (le frère aîné)… mais aussi à une bande d’adolescents incarcérés dans un pénitencier pour mineurs, sur une île, et qui profitent du chaos pour s’évader, dans l’espoir de profiter totalement de la situation mondiale. Cette variété dans les personnages et les situations permet à l’intrigue de mêler survie et préoccupations quotidiennes. En effet, les personnages traînent quelques casseroles derrière eux : il est donc question d’insertion sociale, de gestion du deuil d’un parent, des suites d’une rupture amoureuse, ou d’engagement. C’est riche, et cela cadre parfaitement avec le ton de l’intrigue, d’autant que l’alternance de points de vue est faite intelligemment, sans donner l’impression que le récit s’éparpille entre les différents personnages.
Couplée à l’ambiance du récit, à l’enchaînement maîtrisé des péripéties et aux questionnements qui sous-tendent l’histoire, elle rend l’ensemble particulièrement prenant, même si on sent que ce premier tome est introductif. J’étais donc plus que frustrée d’arriver à la fin, qui nous laisse très clairement sur des charbons ardents (heureusement, le tome 2 est prévu pour la fin d’année).
Très bonne surprise donc que ce premier tome de Nous ne serons plus jamais les mêmes. Ce récit (post)-apocalyptique a des petits airs de huis-clos (dus à la catastrophe écologique en cours), pas désagréables du coup, qui amènent de la tension dans le récit. L’intrigue mêle parfaitement enjeux de survie et préoccupations plus quotidiennes des personnages, ce qui rend le récit particulièrement prenant. Malgré le caractère introductif de ce tome, les péripéties sont parfaitement maîtrisées, et c’est dans un état de frustration extrême que j’ai atteint la fin ! Je suis donc assez impatiente de lire la suite de ce récit très réussi !