Phobos #1, Victor Dixen

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Six prétendantes d’un côté. Six prétendants de l’autre. Six minutes pour se rencontrer. L’éternité pour s’aimer. Ils sont six filles et six garçons, dans les deux compartiments séparés d’un même vaisseau spatial. Ils ont six minutes chaque semaine pour se séduire et se choisir, sous l’œil des caméras embarquées. Ils sont les prétendants du programme Genesis, l’émission de speed-dating la plus folle de l’Histoire, destinée à créer la première colonie humaine sur Mars. Léonor, orpheline de dix-huit ans, est l’une des six élues. Elle a signé pour la gloire. Elle a signé pour l’amour. Elle a signé pour un aller sans retour. Même si le rêve vire au cauchemar, il est trop tard pour regretter.

Mars la rouge fait toujours rêver les hommes. Et depuis que la NASA a été rachetée par un fonds d’investissement privé qui a de quoi envoyer une mission, tous les regards sont tournés vers la voisine de la Terre. Envoyer des astronautes ? Trop ennuyeux et pas assez rentable ! Atlas, le fond d’investissement, transforme la mission en voyage sentimental doublé d’un jeu de télé-réalité.
Sauf que… rapidement, on s’aperçoit que la mission est peut-être salement compromise.

Victor Dixen joue donc sur plusieurs tableaux : il y a l’intrigue purement science-fictive (la mission d’exploration), à laquelle s’ajoutent l’intrigue sentimentale (avec le speed dating) et le huis-clos. La forme du roman est extrêmement intéressante, puisque l’auteur a choisi plusieurs points vue non pas conditionnés par les personnages mais par l’angle de vue choisi. Ainsi, on déambule dans le «Champ» (globalement dans le vaisseau, ce que voient les téléspectateurs), le «Contre-champ» (les coulisses de la production) et le «Hors-champ» (les tribulations d’un électron libre ou tout ce qui pourrait nous intéresser en étant dans aucun des champs précédents). Cette découpe très cinématographique permet d’opposer nettement la «réalité» perçue par les acteurs du jeu et les téléspectateurs, à la véritable réalité, celle, sans fards, des coulisses de la production. Et autant dire de suite que l’affaire n’est pas bien rose.

On ne tarde pas à découvrir les tenants et aboutissants du complot. Mais le suspens surgit du fait que nos protagonistes, eux, n’en savent strictement rien… alors on se ronge les sangs en se demandant quand, au juste, ils vont mettre le doigt sur le problème ! Heureusement, il n’y a pas que le complot à se mettre sous la dent. Dans le vaisseau, on suit essentiellement Léonor, chez les filles. Léonor cache un gros secret qui pourrait remettre en cause les résultats du speed-dating. Or il semblerait que chaque candidat a été choisi en fonction du gros secret qu’il dissimule… et à la fin du volume, ils n’ont pas tous été levés, ce qui laisse présager d’intéressantes révélations pour la suite !

Côté personnages, on jongle avec un grand nombre de figures. Dans le vaisseau, il y a pas moins de 12 apprentis astronautes ! Mais c’est Léonor qui raconte cette partie de l’aventure, cristallisant le point de vue chez les filles – ça manque d’un angle de vue chez les garçons, d’ailleurs. Léonor a une personnalité riche : son côté piquant n’est pas désagréable et comme elle est lucide sur ce qu’est réellement une télé-réalité, on profite de ses analyses fines et caustiques. Oui, car le roman est aussi prétexte à dénoncer ce qu’on nous fait avaler pour de la réalité, quand ce n’est que de la manipulation d’image… studios de production et médias sont aimablement mis à mal ici !

Des points négatifs ? Eh oui, malheureusement. D’une part, si le suspense est présent, le complot est assez classique : on n’est donc pas particulièrement surpris de ce côté-là. Heureusement, c’est bien mis en scène, ce qui fait qu’on passe rapidement outre. Plus agaçant : le style didactique. On le ressent notamment dans les paroles de Serena, la productrice, qui a coutume de s’adresser à ses co-comploteurs… en leur expliquant le complot par le menu. Quitte à citer, nom, prénom et fonctions inclus les participants, ou à redémontrer par A+B les différentes étapes. Alors, certes, c’est parfait pour le lecteur. En revanche, niveau vraisemblance, on repassera… ce n’est pas du tout naturel et ça sent bien trop l’exposé pour être crédible, ce qui est bien dommage. Heureusement (bis !), cela ne concerne guère plus que quelques tirades : juste assez pour être noté, pas suffisamment pour avoir envie d’utiliser le livre comme cale-porte : c’est plutôt bon signe !

Ce premier volume de Phobos se présente donc sous les meilleurs augures : l’intrigue est bien menée, les différentes strates sont vraiment intéressantes et les personnages variés. Le mélange de science-fiction et de thriller psychologique en huis-clos fonctionne à merveille et offre une intrigue pleine de suspens. La fin, de plus, nous laisse avec une foule d’interrogations dont on a hâte de découvrir les réponses. Bonne découverte, donc !

◊ Dans la même série : Phobos (2) ;

Phobos #1, Victor Dixen. R. Laffont, 2015, 432 p.

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Au-delà des étoiles #1, Beth Revis

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À 17 ans, Amy et ses parents rejoignent la mission spatiale Godspeed, qui part à la conquête de Centauri, une nouvelle planète. Pour survivre aux trois siècles prévus pour le voyage, ils sont cryogénisés, et n’ont qu’à sagement attendre d’être réveillés après l’atterrissage. Mais Amy est subitement débranchée, cinquante ans trop tôt. La vie sur Terre qu’elle a connue est révolue, et elle se retrouve seule au monde sur un vaisseau qui fonctionne selon des règles qu’elle ne connaît pas, et ne comprend pas, malgré l’aide d’Elder, le futur commandant du vaisseau, qui l’épaule comme il peut. Jugée dangereuse, l’adolescente est rapidement confinée au service hospitalier. Mais lorsqu’un second passager cryogénisé est débranché et retrouvé trop tard, Amy comprend que son réveil n’était malheureusement pas dû à une bête panne informatique. Et que ses parents sont peut-être les prochains sur la liste, si elle ne découvre pas très vite qui tue les passager endormis. L’ennui, c’est que la jeune fille comprend très vite qu’Elder, son seul soutien à bord, est tout en haut de la liste des suspects… 

 

Les romans de science-fiction destinés aux adolescents dont l’intrigue se déroule à bord d’un vaisseau spatial sont assez rares pour être notés, a fortiori lorsqu’ils présentent une intrigue aussi alléchante. Malheureusement, Au-delà des étoiles n’a pas tout à fait tenu les promesses de son résumé…

L’intrigue est narrée selon les points de vue d’Amy et Elder, le seul autre adolescent à bord. Si le procédé rend le récit dynamique, puisqu’on change sans cesse de narrateur, il le limite aussi. En effet, le récit étant mené à la première personne et les personnages avares de déductions concernant leurs coreligionnaires, on a du mal à savoir qui pense quoi. De plus, les voix des deux adolescents sont très peu différenciées, ce qui fait qu’il est aisé de s’y perdre. L’alternance n’est, d’ailleurs, pas toujours très heureuse : personne n’ayant aucune information à l’ouverture du roman, le début de l’histoire est assez répétitif…

Au-delà des étoiles propose une intrigue mêlant science-fiction et thriller. Pour ce qui est de la première, l’auteur compte sur la suspension d’incrédulité du lecteur : les détails et explications sont extrêmement rares, pour ne pas dire inexistants. Ainsi, le vaisseau comptant quelques 3 000 passagers est réparti selon plusieurs secteurs : la ville, les champs, l’hôpital, la salle des machines, les labos… On a du mal à imaginer quelques hectares de champs de blé à l’arrière-plan desquels se dresse le bâtiment blanc de l’hôpital, le tout confiné dans un vaisseau spatial. À l’instar de Mission Nouvelle Terre, aucune explication n’est apportée sur le fonctionnement d’un tel vaisseau, et cela manque un peu.

L’intrigue, en elle-même, est assez peu complexe : il n’est pas difficile de deviner qui est le meurtrier, et comment il s’y est pris, et les motivations des uns et des autres sont rapidement assez claires. Il y a peu de suspens, probablement à cause de la narration au présent qui gomme tout relief du récit. Et côté personnages, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent : leurs psychologies sont à peine esquissées que l’on s’en détourne pour contempler autre chose. Entendons-nous bien : leurs sentiments nous sont donnés, leurs peurs, leurs intentions, tout est présent dans le texte. Mais tout cela reste un peu trop dans le « dire » (tell), et pas assez dans le « montrer » (show), ce qui fait que l’on a du mal à éprouver de l’empathie pour leurs problèmes ou angoisses. L’effet pervers, c’est que cela donne également des personnages extrêmement lisses et trop peu approfondis ; et ce n’est pas la narration à la première personne qui va arranger la chose : puisqu’il n’y a que deux narrateurs, on manque de points de vue.

En revanche, il y a du mystère à revendre. D’une part car l’on espère découvrir ce que cache le débranchement des passagers cryogénisés et, d’autre part, car l’organisation du vaisseau repose sur quelques concepts nébuleux que l’on brûle de percer, malgré le suspens peu présent. Mais c’est surtout sur l’organisation de la vie à bord que cela devient intéressant. Commençons par ces personnages cryogénisés. Le vaisseau est rempli de scientifiques brillants, d’ingénieurs, d’artistes… mais la mission transporte également des sommités militaires, scientifiques, artistiques, culturelles dans des congélateurs, sans que personne ne se soit demandé ce qu’il se passerait à l’atterrissage – question qu’Amy finira par soulever, en arrivant près de la résolution, et qui questionne l’organisation d’un tel périple.
La jeune fille découvre également une vie à bord très sectorisée et stéréotypée qui lui déplaît souverainement : pour prévenir les ennuis, toute différence est interdite ; les croyances et religions sont reléguées au rang de contes de bonnes femmes ; les agriculteurs sont intellectuellement limités, tandis que toute personne un peu créative est immédiatement internée. L’amour n’existe pas, et les naissances sont hyper contrôlées ; il y a même une période de reproduction, la Saison, qui transforme les 3/4 des passagers en bestiaux en rut. La vie à bord est proprement effarante, mais montre que l’auteur a bien pensé aux petits détails : comment maintenir la démographie sans avoir rapidement un problème d’espace vital crucial ? Comment préparer une population née à bord aux pires nouvelles ? Comment éviter les mutineries ? Comment contrôler l’information ? Sur ce dernier point, Amy est assez vite effarée de constater que l’histoire terrienne qu’elle a connue a disparu et a été adaptée pour correspondre aux visées des colons : ainsi, le discours de Gettysburg, prononcé par Abraham Lincoln contre l’esclavage, devient un plaidoyer pour l’Apartheid… et les dictateurs sont présentés comme des modèles à suivre en matière de gouvernement. Cela pose, bien sûr, la question de la transmission de l’Histoire par-delà les générations, de ce que devient le savoir quand il est contrôlé, et de la façon dont un gouvernant peut s’en servir à des fins malveillantes. Autant de questions qui peuvent sembler d’actualité, donc.

Au-delà des étoiles est donc une série qui affiche un gros potentiel, mais dont le premier tome reste faible ; l’intrigue est trop simple, et le suspens n’est pas au rendez-vous. Les personnages sont lisses, trop peu fouillés, et on voit immédiatement comment cela va tourner entre eux – d’ailleurs, ça ne rate pas. Le style, de son côté, n’est pas particulièrement marquant, et le récit au présent rend le tout un peu fade. 
Malgré d’intéressantes questions de fond esquissées dans ce premier volume, Au-delà des étoiles démarre un peu faiblement. 

 

 

Au-delà des étoiles #1, Beth Revis. Traduit de l’anglais par Cécile Chartres.
Pocket Jeunesse, septembre 2014, 439 p.

 

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Flame, Mission Nouvelle Terre #3, Amy Kathleen Ryan.

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Les luttes de pouvoir ont déclenché une guerre entre l’Empyrée et le Nouvel Horizon. La Mission Nouvelle Terre, chargée de sauvegarder l’humanité est donc en péril. Waverly et Kieran sont prisonniers, isolés, et ne savent plus à qui se fier. Alors que Waverly se rapproche du Conseil des Sages, Kieran préfère écouter Anne Mather, pasteur et capitaine du vaisseau. Complots, intrigues, manipulations… qui croire, qui écouter dans ce vase clos où chaque mot, chaque geste est susceptible d’être provoqué, épié, déformé ? 

Et voilà donc le troisième et dernier tome de Mission Nouvelle Terre. Après un premier tome laissant le lecteur en pleine incertitude, et un second tome survolté, l’auteur livre un dernier opus qui n’épargne pas ses lecteurs, loin de là, poursuivant dans la veine des deux autres volumes. Encore une fois, je serais passée à un cheveu du coup de cœur : la faute, cette fois, à une question de rythme.

Si, dans les deux premiers tomes, le rythme est particulièrement bien géré, dans cet opus il m’a semblé un peu plus bancal. Le tome est plus lent à démarrer, avant de fournir une avalanche de péripéties toutes plus échevelées les unes que les autres. On passe à deux doigts de verser dans la surenchère mais, heureusement, c’est là que l’auteur trouve son point de croisière et récupère le rythme des deux autres volumes pour poursuivre et achever celui-là en beauté.

Ce qu’il y a de particulièrement intéressant, ici, c’est que l’auteur introduit de nouveaux personnages sur le Nouvel Horizon, sans les sortir tout droit de son chapeau : à leur premier passage, les filles étaient prisonnières et ne voyaient donc personne ; le second volume se déroule essentiellement sur l’Empyrée. Ici, nos protagonistes découvrent donc des personnages centraux qui, jusque-là, nous étaient inconnus, et vont pouvoir les aider (peut-être) dans leur quête : si Kieran poursuit sur sa lancée avec Anne Mather, Waverly, elle, tente donc sa chance auprès de cette nouvelle faction qui assure pouvoir la soutenir.
Faire retourner les personnages sur le Nouvel Horizon a plusieurs intérêts non négligeables : d’une part, on retrouve Anne Mather sur son territoire (donc plus puissante). D’autre part, on retrouve des personnages déjà rencontrés dans Glow : Amanda, la femme qui a hébergé Waverly, Felicity, qui a fui l’Empyrée… ou bien les gens que Waverly a pris en otage. Et qui lui en veulent encore, et pensent qu’elle est dangereuse et devrait être enfermée ou, mieux, exécutée. L’auteur s’y entend pour faire entendre tous les points de vue : au lieu de conforter son lecteur dans une vision manichéenne (mais confortable), elle déplace sans cesse la focale, et éclaire différentes facettes des personnages. On avait découvert Waverly, Seth et Kieran sous des jours insoupçonnés (et proprement détestables !) dans Spark, et l’auteur réitère ici le procédé. Les personnages sont donc fouillés, et c’est vraiment bien réfléchi. Ils ont souvent peur, ne sont pas héroïques au sens noble du terme, mais leur courage et leur détermination sont admirables. Et ça ne concerne pas que notre trio central, loin de là ! Dans cet opus, on découvre une Anne Mather sur la sellette, tentant de concilier au mieux sa position de leader et ses aspirations personnelles, tout en tentant de convaincre son monde qu’elle a fait attaquer l’Empyrée pour le bien de l’humanité. Elle est toujours aussi imbuvable, mais voilà : il arrive un moment où on a du mal à réellement la détester… C’est vous dire si l’auteur pose avec talent les portraits de ses personnages !

Par ailleurs, et contrairement à trop de romans jeunesse actuels, la romance reste ici extrêmement secondaire : c’est déjà un point que l’on trouvait  dans les premiers volumes, et il est heureux de constater que l’auteur continue ainsi, et ne cède pas aux sirènes de la mièvrerie. Les personnages se questionnent sur leurs sentiments (ce qui est on ne peut plus normal compte tenu de leur jeune âge), et font leur propres expériences (parfois malheureuses). Le tout est rehaussé par le caractère d’urgence qui saisit certains des voyageurs : les femmes célibataires et en âge d’enfanter n’étant pas légion, elles sont rapidement l’objet de toutes les attentions (même les plus malsaines). Par ce biais, l’auteur aborde de nouvelles thématiques autour de l’union (voulue, bienséante, forcée…) et, bien sûr, sur la place et la condition des femmes, et les rapports hommes-femmes. Tout en conservant, bien sûr, les thèmes abordés auparavant : l’idéologie, la manipulation des foules, la religion, le terrorisme, l’humanité… c’est aussi intelligent et subtil qu’auparavant.

Côté manipulations, l’auteur fait à nouveau très fort : impossible de savoir à qui se fier, et qui joue pour quel bord. Alors on attend, suspendus, de savoir ce qu’il va arriver, et comment nos personnages vont parvenir à s’en sortir. Si la situation était, auparavant, quelque peu tendue, elle vire à carrément désespérée – et désespérante – ici. Du coup, l’ambiance est terrible, et il est difficile de faire une pause dans la lecture. Et d’autant plus lorsqu’on voit approcher la fin, car on se demande bien comment tout cela va pouvoir s’achever. Et c’est par un tour de force qu’Amy Kathleen Ryan clôt finalement cette saga, tout en évitant un happy end final plat à souhait. Vraiment, l’auteur a du talent !

Flame apporte donc un point final époustouflant à une saga de qualité revisitant les thèmes de la conquête spatiale et de la survie de l’humanité. Ce dernier opus offre un véritable point d’orgue à la trilogie : plus prenant, plus violent, plus désespéré que jamais, il se concentre sur la galerie de personnages, aussi travaillés les uns que les autres, les thèmes développés et, bien sûr, la terrifiante question de la survie. Après un premier tiers au rythme bancal, l’auteur retrouve l’énergie du début de la saga et clôt le volume en apothéose, en réussissant à offrir une fin inattendue, mais parfaite en tous points. Au fil des pages, on attend, on espère, on souffre au diapason des personnages : c’est émotionnellement intense ! Flame ne démérite pas par rapport aux deux autres volumes ; Amy Kathleen Ryan signe là une trilogie de grande qualité : auteur à suivre !

◊ Dans la même série : Glow (1), Spark (2).

 

Mission Nouvelle Terre #3, Flame, Amy Kathleen Ryan. MsK, avril 2014, 411 p.
9,5 /10

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Idée n° 39 : une planète, lune ou satellite qui explose.

Spark, Amy Kathleen Ryan.

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Rien ne va plus à bord de l’Empyrée. Le fragile équilibre mis en place par Kieran menace de s’effondrer. Sa cote de popularité est en chute libre, et le mécontentement gronde doucement, insidieusement parmi le jeune équipage… Il y a de la mutinerie dans l’air. Alors que les divers camps s’affrontent avec les moyens du bord, de sérieux dysfonctionnements font leur apparition. Les opposants de Kieran sont-ils vraiment responsables ? Ou faut-il craindre une attaque terroriste ?

Suite des aventures de Kieran, Seth, et Waverly, perdus dans l’espace, sans adultes pour les guider et les soutenir, suite à l’attaque du Nouvel Horizon sur l’Empyrée. Le tome 1 nous avait laissé pantelants, et c’est sans interruption que s’ouvre ce tome 2.

Sans interruption, mais pas sans quelque changements. Si l’on déplore le même manque d’explications scientifiques que dans le premier tome (ou : comment fait-on prospérer des champs dans un vaisseau spatial, par exemple ? J’aimerais vraiment savoir !), l’auteur pose de nouvelles questions dans cet opus.
La situation est extrêmement tendue, et chacun doit opérer des choix cornéliens. Les protagonistes, empêtrés dans les rôles qu’ils ont à tenir, sont volontairement imbuvables. On les secouerait bien volontiers pour les sortir de leur entêtement. Les volontés sont fortes, les disputes fréquentes, et les bons amis d’autrefois se tournent bien vite le dos. Pourtant, il reste une lueur d’espoir, que l’on entrevoit de temps en temps, avec une petite scène chargée d’émotion. Les relations sont très ambiguës, et l’auteur joue très bien sur cette corde raide : les antagonismes sont rapidement dessinés, mais toujours avec une petite part de regret pour l’ami cher que l’on est en train de perdre, irrémédiablement, avec celui que l’on était autrefois. Les personnages sont présentés sans fards et, pourtant, on ne peut que se mettre à leur place. L’évolution opérée dans le tome 1 se poursuit, inéluctable, et c’est assez terrifiant. On regarde, impuissants, ces jeunes personnes s’engoncer dans un comportement parfois haïssable, à la limite du tolérable. Surgit alors, sous-jacente, cette question lancinante : qu’est-ce qui fait qu’on est un être humain et à quel moment cesse-t-on de l’être ? Voilà autour de quoi tourne ce volume, alors que le premier était plutôt axé sur l’utilisation de l’idéologie. Le thème n’a pas disparu, mais il s’efface au profit de celui de l’humanité, qui prend très nettement le dessus.

L’intrigue est rondement menée : l’histoire est survoltée, il n’y a ni longueurs, ni temps morts. Comme dans le premier tome, on a du mal à prendre parti pour l’un ou l’autre des protagonistes. On est compatissant puis, sans crier gare, on les déteste pour ce qu’ils viennent de faire, leur immaturité flagrante et, parfois, leur bêtise qui semble incurable. Le roman est fort émotionnellement, et le lecteur passe d’un extrême à l’autre assez rapidement, sans savoir où il doit se situer. Ce second tome est un vrai concentré d’adrénaline d’autant que l’intrigue n’est pas prévisible. On ne devine pas immédiatement quelles seront les conséquences des péripéties, et c’est bien agréable d’être surpris par le scénario.
La fin est digne d’un film à suspens. Imprévisible, grandiose, elle laisse le lecteur avec l’air hagard et la douloureuse impression que l’attente avant le tome 3 va être longue … très longue.

Comme dans le premier tome, on retrouve un rythme extrêmement bien maintenu, tout du long du roman, avec un suspens bien dosé. Les personnages sont aussi complexes que précédemment, mais leur évolution, si elle fait parfois un peu peur, suit son cours logique. Même s’ils sont de temps en temps imbuvables et quelque peu immatures,  on les suit avec plaisir, en prenant difficilement parti pour l’un ou pour l’autre. À nouveau, les thèmes choisis (humanité, idéologie, manipulation) sont intelligemment traités et font toute la richesse de ce roman. Le huis-clos renforce l’impression de claustrophobie que l’on finit par ressentir dans ce vaisseau à l’ambiance enflammée. Même si l’on déplore un certain manque d’explications scientifiques, et si l’aspect nouveauté a un peu disparu, ce tome 2 tient toutes les promesses du premier. Prenant, haletant, on ne s’ennuie pas une seule seconde, et la suite n’est pas prévisible. C’est tout bon !

 

♦ Dans la même série : Glow, 1 ; Flame, 3.

 

Spark, Mission Nouvelle Terre #2, Amy Kathleen Ryan. Editions du Masque (MsK), 2013, 406 p.
9/10.

 

Glow, Amy Kathleen Ryan.

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Alors qu’elle vient de fêter son 15ème anniversaire, Waverly n’a connu qu’un seul foyer, l’Empyrée, vaisseau spatial, partis 43 ans plus tôt en même temps que son jumeau, le Nouvel Horizon, à destination de la Nouvelle Terre.
Sa mission : mettre au monde les enfants qui peupleront la planète, nouvelle colonie humaine. Tous la destinent à Kieran, son ami d’enfance et le futur capitaine du vaisseau. Pourtant Waverly doute, et se demande si c’est bien la vie dont elle veut.
Lorsque le Nouvel Horizon attaque soudainement l’Empyrée et enlève toutes les jeunes filles, soi disant pour les sauver d’un innomable péril, plus le temps de s’interroger. Waverly et ses amies doivent survivre dans un milieu hostile aux pratiques très différentes des leurs. 

Aujourd’hui paraît en librairie Glow, le premier tome d’une nouvelle saga de science-fiction dédiée aux jeunes adultes : Mission Nouvelle Terre. J’en profite pour remercier les éditions du Masque qui m’ont permis de le découvrir en avant-première, surtout que je suis passée pas loin du coup de cœur avec ce premier tome.

Présenté comme l’alternative idéale pour les fans de Hunger Games, Glow est bien plus que ça : on a enfin une fiction de qualité, qui sort de la dystopie et de la romance paranormale, pour aller explorer la science-fiction ! Voilà qui change agréablement!

Glow démarre comme un roman présentant une innocente idylle entre adolescents, dans un environnement bucolique et tendant vers le paradisiaque, bien que situé dans une navette spatiale -ce qui, en soi, est déjà très original. Mais, vous vous en doutez, la société idéale n’existant pas, des bisbilles ne tardent pas à apparaître doucement. Dès le départ, on sent qu’il plane un malaise sur ce vaisseau : Waverly, destinée à  s’unir à Kieran et à avoir de beaux bébés pour peupler la colonie, hésite. Vu son âge (elle a à peine 15 ans), on la comprend. D’autant que Kieran n’est pas le seul beau jeune homme à bord, et qu’on sent que Waverly aimerait se défaire du carcan de règles qui pèse sur ses épaules. Les premiers chapitres sont calmes, posés, et tout est plus suggéré qu’exposé.

L’action démarre ensuite sur les chapeaux de roues : à l’instar des personnages, on est balloté, on ne sait rien de ce qu’il se passe, mais on ne peut s’empêcher d’angoisser ; d’autant que la situation se retrouve entre les mains des enfants. Et c’est là que tout dégénère … rappelant un peu le concept de Sa Majesté des Mouches, en plus poussé – en raison du confinement dans le vaisseau et du problème grave auquel les enfants sont confrontés – Glow est un roman mêlant habilement éléments de space-opéra, de dystopie et une ambiance digne d’un huis-clos.

On est tout de suite happé par l’écriture d’Amy Kathleen Ryan : il y a très peu de longueurs, le rythme est fluide et entraînant, et l’auteur gère aussi bien les personnages que l’intrigue. Celle-ci suit tour à tour les points de vue des deux personnages principaux, Waverly et Kieran. L’une est en prise avec l’équipage du Nouvel Horizon, et notamment avec son capitaine, la terrible Anne Mathers ; l’autre, quant à lui, est confronté à son propre équipage, notamment le jeune Seth, qui a tout de la tête brûlée (quoiqu’étant assez réfléchi). Tous les personnages sont charismatiques, complexes, attachants dans une certaine mesure, même si certains sont tout en ambiguïté. Les deux garçons, Kieran et Seth, en font partie : on prend rapidement leur parti, on les déteste, ou on s’en méfie tour à tour. Le roman s’achève sur une grande perplexité à leur propos, et au sujet de l’intrigue – ce qui fait de Glow un bon roman, dont la suite n’est pas intuitivement prévisible et promet donc une lecture intéressante. On pensait savoir où l’auteur voulait en venir, et on finit dans un flou artistique total qui n’est pas désagréable, bien au contraire.

En dehors de l’excellente organisation du roman, ce qui m’a le plus plu dans Glow, ce sont les sujets discrètement mais efficacement traités. On trouve un soupçon d’écologie,  ainsi que pas mal d’interrogations sur les relations hommes-femmes ou les progrès scientifiques. Mais la grande réussite de l’auteur est sa façon de traiter la question de l’idéologie et la façon dont celle-ci est utilisée, manipulée. Sans être moralisatrice, elle parvient à subtilement dénoncer quelques comportements extrêmes, bien mis en scène, tout en examinant quelques travers de société bien connus mais hélas vivaces. A nouveau, tout est dans la suggestion plutôt que dans la démonstration lourde et évidente. Le tout est intelligemment traité, bien mis en scène, rondement mené, et annonce un combat idéologique pour la suite, dont il me tarde de savoir comment elle s’en sortira.

Glow est donc un excellent tome introductif ; le rythme est au rendez-vous tout du long et l’auteur, évitant le cliffhanger final, sait maintenir l’intérêt du lecteur tout du long, et pour la suite de la saga. Avec des personnages complexes et envoûtants, une intrigue et des thèmes habilement traités, Mission Nouvelle Terre s’annonce comme une très bonne saga, qui plaira certainement au jeune lectorat -et pourquoi pas à leurs aînés (jetez-vous donc dessus dès que vous le verrez chez votre libraire !). 

 

♦ Dans la même série : Spark, 2 ; Flame, 3.

 

Glow, Mission Nouvelle Terre #1, Amy Kathleen Ryan.  Editions du Masque (MsK), 2012, 388 p.
8,5/10. 

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EdeN en sursis, Jeanne-A. Debats

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Quelle surprise pour Cléone – capitaine, malgré ses quinze ans, du vaisseau le Quetzal – de découvrir qu la météorite qui a déchiré sa voile solaire est en fait une capsule de survie ! À l’intérieur gît un beau jeune homme gravement blessé… Contre toute attente, l’Intelligence Artificielle du Quetzal s’oppose résolument au sauvetage et enjoint Cléone d’abandonner l’inconnu dans l’espace. Car l’IA a reconnu, gravé sur la capsule, le logo de la terrifiante multispatiale DeltaGen… Cléone s’empresse de désobéir à cet ordre cruel. C’est pour elle le début d’une expédition pleine de dangers qui la mènera sur EdeN la sauvage, une planète récemment découverte, protégée de toute atteinte son environnement par son statut  » écol « , mais qui excite les appétits de la peu scrupuleuse DeltaGen, multispatiale aux ambitions démesurées.

Cléone, quinze ans, sous la responsabilité de sa tyrannique IA Draco, tombe des nues ; non, ce n’est pas une météorite qui a endommagé son vaisseau, mais un beau jeune homme inconscient dans une capsule de survie. N’écoutant que sa raison, elle lui porte secours, sans tenir compte des interdictions de son IA. Et c’est donc là que les ennuis commencent… car le survivant est aussi un fugitif, rapidement recherché par les multiples membres d’une dangereuse et peu scrupuleuse multispatiale, DeltaGen, qui a entrepris de breveter le vivant afin de le commercialiser et l’exploiter. Vous souhaitez manger des tomates? Payez donc des royalties à DeltaGen. Vous souhaitez vous acheter un fringant cheval de course? Commandez donc un embryon hors de prix à DeltaGen.
Dans un univers où l’espace s’avère moins cher que les planètes – réservées donc à une certaine élite – DeltaGen profite de ce nouveau mode de vie pour instaurer son monopole sur tout et n’importe quoi. Prétextant vouloir offrir un lieu sûr et terrestre aux pauvres Indépendants qui peuplent l’espace, comme Cléone, condamnés à vivre dans leur vaisseau et à récolter du minerai pour payer leurs frais (et ne pouvant s’offrir une vie sur une quelconque planète), DeltaGen commence à lorgner vers la planète EdeN, protégée par son statut « écol » de la présence de l’homme, et encore hors de son emprise.

Voilà donc ce que découvre brutalement Cléone, jeune et fringante capitaine de vaisseau spatial, au caractère bien trempé, et aux idées plus qu’arrêtées. Sa tenacité la lance à la poursuite de ce jeune homme qu’elle a secouru et la voilà les deux pieds dans la panade. Si la situation initiale peut sembler très classique et convenue (une belle jeune fille, deux beaux jeunes hommes, que va-t-il bien pouvoir se passer?), l’auteur surprend par le traitement très secondaire accordé à la possible romance que l’on sent se profiler. L’accent est plutôt mis sur la découverte d’un nouvel écosystème, et le sordide complot qui le menace. Le trio principal  – le scientifique passionné et parfois légèrement à l’ouest, le richissime et recherché héritier et la jeune spatienne aux faux-airs de rebelle – porte très bien l’aventure et les personnalités de chacun des protagonistes sont bien dessinées; même si Cléone est légèrement caricaturale, on s’attache à son personnage. Le plus réussi étant très certainement Dame Draco, que l’on imagine sans peine. Les diverses péripéties sont bien amenées et, tout en respectant les codes du genre, le roman ne se contente pas d’arpenter des sentiers mille fois battus; c’est avec curiosité et fascination que l’on suit les tribulations de nos trois aventuriers, qui restent crédibles et réalistes – il ne s’agit pas de sauver le monde à eux tous seuls, loin de là. Les objectifs choisis sont à leur portée et, s’ils reçoivent un léger coup de pouce du destin, celui-ci est préparé loin en amont et s’inscrit donc tout logiquement dans la progression, sans que l’on aie l’impression qu’il s’agit d’une résolution hâtive et pratique. C’est par ailleurs dans un style très fluide et élégant, avec des répliques souvent drôles, qu’est déroulée l’aventure, ce qui ne gâche en rien le plaisir de lecture, au contraire. On ne saurait, enfin, passer à côté du message écologique clair contenu par l’ouvrage; sans se faire didactique ni moralisateur, il rappelle tout de même clairement les risques qu’il y a à monnayer le vivant… et les conséquences néfastes qui peuvent en découler.

En somme, nous avons là une aventure de science-fiction parfaitement maîtrisée, avec des personnages aussi crédibles qu’attachants, que l’on suit avec un grand intérêt, et très agréable à lire. On en attendrait presque avec impatience une nouvelle aventure du trio infernal !

 

EdeN en sursis, Jeanne-A Debats. Syros (Soon), 2009, 358 p.
8/10.

 

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Les Abîmes d’Autremer, de Danielle Martinigol.