Le Sang des Dieux et des Rois, Eleanor Herman.

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Imaginez une époque ou les dieux s’amusent des souffrances des hommes.
Ou des forces maléfiques se déchaînent aux confins du monde connu.
Ou des cendres des villes naissent des empires.
Alexandre, héritier du trône de Macédoine, est en passe de découvrir son destin de conquérant, mais il est irrésistiblement attiré par une nouvelle venue.
Katerina doit naviguer dans les eaux troubles des intrigues de la cour sans dévoiler sa mission secrète : tuer la reine.
Jacob est prêt à tout sacrifier pour gagner le cœur de Katerina. Même s’il doit pour cela se mesurer à Héphestion, tueur sous la protection d’Alexandre.
Enfin, par-delà les mers, Zofia, princesse persane fiancée à Alexandre malgré elle, part en quête des légendaires et mortels Dévoreurs d’Âmes, seuls capables d’infléchir son destin.

La fantasy historique est un de mes péchés mignons en littérature ; malheureusement, ce titre n’entrera certainement pas au panthéon des lectures du genre…

Premier point qui fâche : la narration au présent, ce qui est encore plus dommageable pour un roman se déroulant dans le passé. Comme de juste, le récit est lourd et fade – et truffé d’erreurs de syntaxe, dues à des confusions entre discours direct et discours indirect, hautement agaçantes !
D’autre part, l’auteur abuse lourdement des diminutifs pour ses personnages. Alors certes, c’est bien pratique. Mais c’est aussi parfaitement anachronique et d’autant plus malvenu lorsque le diminutif sonne nettement plus anglosaxon que… persan, par exemple (dans le cas de la princesse persane Roxane, appelée… Roxie. En toute simplicité.). Et tout cela manque tout de même de classe. Heureusement, on évite de peu le « roi Phil’ » ; mais pas le « prince Alex », malheureusement.
Ceci étant dit, tous ces diminutifs correspondent parfaitement au caractère encore foncièrement adolescent de nos personnages, dont la maturité est plus que bredouillante : entre ceux qui se boudent pour de faux prétextes et celle qui s’invente des problèmes (Katerina, pour ne pas la nommer) avant de se plaindre de la complexité de son existence, on est servis.
Cet usage va de pair avec un vocabulaire simpliste et des anachronismes incroyables, notamment dans les dialogues. Certes, les diminutifs y préparaient ; le transport à l’époque antique, à la simple lecture, est donc plus qu’ardu…Si vous aviez du Gemmell en tête, abandonnez l’idée immédiatement.

Côté intrigue, difficile de se rattraper. L’univers est assez complexe, puisque l’on doit composer avec les diverses forces en présence : Macédoniens, seigneurs ésariens (une sorte de confrérie autoproclamée rappelant douloureusement l’Inquisition) et perses – tout ce petit monde se disputant un territoire grand comme un mouchoir de poche. L’auteur prend le temps de bien dépeindre chaque partie en présence, en fournissant d’intéressants détails sur la façon dont chaque société vit et s’organise, en décrivant les lieux et les personnages. Fatalement, cela induit quelques longueurs qui, malheureusement, ne sont pas rattrapées par l’intrigue, dont le fil est d’une extrême simplicité. Or, passées les quelques péripéties qui émaillent le récit, il ne reste guère de suspens à se mettre sous la dent, les indices distillés permettant de saisir dès la première occurrence de quoi il retourne au juste. Et c’est d’autant plus vrai que nos personnages semblent bénéficier d’une chance proprement insolente : hormis Zofia à qui il arrive quelques bricoles, Katerina arpente la Carie en sifflotant et Cynané se collette joyeusement à grands coups d’épées avec des guerriers aguerris sans recevoir la moindre égratignure. À 16 ans et quand on connaît la liberté dont jouissaient les femmes dans cette aire géographique, il y a de quoi rester pantois.

De plus, l’auteur colle sur la foisonnante Antiquité un appareil magique qui manque franchement d’explications : il y a le Sang-Serpent, le Sang-Fumée, des oracles et autres pythies, des magiciens et magiciennes, des gens qui s’essaient à la magie noire, sans qu’aucun des systèmes soit expliqué ou intégré logiquement dans l’histoire… Tout cela est fort confus et colle difficilement à l’appareil proprement historique, un peu comme si les deux genres étaient incompatibles – alors que la fantasy historique propose tout de même quelques pépites.
D’autre part, ce tome étant manifestement le prologue, on a du mal à percevoir les enjeux de la présence de certains personnages : si tous ceux qui végètent dans le palais royal de Pella se croisent forcément à un moment donné, la présence de Zofia reste bien plus ambigüe – tout autant que sa quête, dont on ne sait si elle vise à éviter à la jeune fille un mariage arrangé ou si, comme l’annonce le résumé, elle consiste à aller chercher des magiciens particuliers. À cela, il faut ajouter le manichéisme qui caractérise les personnages et les développements clichés à souhait : les méchants sont très méchants, les gentils sont de sympathiques niaiseux à qui la destinée ne sourit pas. Soit.
Je passe rapidement sur l’ (les) inévitable(s) triangle(s)  amoureux, j’imagine que la seule lecture du résumé et l’annonce de la pléthore de personnages avaient vendu la mèche.

Pas de révélation, donc, avec Le Sang des Dieux et des Rois qui passera à la postérité dans la case « Oui, MAIS. » Oui, l’idée de l’intrigue est bonne mais les personnages manquant de profondeur, l’intrigue dépourvue de piquant, le manque de fluidité dans le mélange entre Histoire et fantasy et surtout – surtout !! – la plume simpliste alignant anachronismes et pauvreté stylistique, auront eu raison de ma patience. Je m’abstiendrai de lire la suite. 

Le Sang des Dieux et des Rois #1, Eleanor Herman. R. Laffont (R), avril 2016, 452 p.

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Le Mythe d’Er, Javier Negrete.

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« Tu deviendras un homme et ton seigneur un dieu », tel est l’oracle que son défunt père a transmis à Euctémon. Si le premier volet de la prédiction lui demeure obscur (n’est-il pas déjà un homme ?), le second lui paraît évident. Car Euctémon est le médecin personnel d’Alexandre le Grand, roi de Macédoine et conquérant de la moitié du monde. Alexandre qu’il a sauvé de la mort à Babylone, qui a conduit ses armées vers l’Occident, qui vient de s’emparer de Rome et s’apprête à l’expédition la plus extraordinaire qui soit : la découverte des régions hyperboréennes, la quête du temple du Destin mentionné par Platon à la fin de La République, où séjournent les Moires qui président aux destinées humaines.

L’Espagne n’est pas le premier pays auquel on pense lorsqu’on évoque les auteurs de l’imaginaires contemporains. Et pourtant, il y en aurait tant à découvrir ! Javier Negrete est de ceux-là.

Le Mythe d’Er commence alors qu’Alexandre a déjà 38 ans. S’inspirant de ce personnage mythique, Javier Negrete tisse une histoire autour de ce que le général aurait pu entreprendre, s’il n’était mort à Babylone. Le récit est vu du point de vue de son médecin personnel, Euctémon ; et le légendaire guerrier n’intervient pas tout de suite, ce qui rend encore plus spectaculaire l’entrée du personnage mythique. L’auteur joue de ce mythe créé autour d’Alexandre le Grand, pour mieux détourner l’histoire.

Suivant l’expédition, on explore la terra incognita des Grecs – une partie de l’Europe – et des terres étranges, où les créatures du folklore côtoient les divinités. Et puis, c’est l’Hyperborée, but du voyage, à la découverte du mythe d’Er, évoqué par Platon. Le roman est donc prétexte à une découverte de récits et pensées philosophiques propres à l’Antiquité grecque, que Javier Negrete maîtrise à la perfection. A la frontière entre fantasy héroïque, uchronie échevelée et voyage homérique, le roman se lit d’une traite ; sans qu’on puisse à proprement parler de suspens, il est gouverné par une tension calculée et maintenue de bout en bout, relevée par l’écriture alerte, accessible (quoiqu’érudite), et vivante. Malgré cela, la fin arrive bien trop vite à notre goût.

Cette fin, éminemment surprenante, remet tout le récit en cause ; elle divisera peut-être. Elle m’a semblé à la fois audacieuse, originale, bien tournée, mais peut-être un peu facile – comme ces coups de théâtre qui ne surprennent plus. A vous de voir, donc ! Mais l’idée n’en reste pas moins surprenante et remarquable, tirant le récit vers la science-fiction.

Javier Negrete propose donc une épopée sertie dans un univers fascinant, digne des récits antiques, menée avec un certain panache et une exaltation toute latine, lesquels rendent la lecture agréable et stimulante. Une belle réussite, dont la brièveté ne gâche en rien le plaisir de lecture!

 

 Le Mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand, Javier Negrete. L’Atalante, 2003, 189 p.
8/10

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