Le rythme du blog tourne au point mort ces derniers temps mais ne croyez pas que je lis plus ! Cet été j’ai même fait pas mal de découvertes !
Carnet de lectures.
La Légende des quatre, Cassandra O’Donnell (Flammarion jeunesse).
Ils sont 4, tous héritiers de leurs clans de métamorphes (loups, tigres, aigles, serpents), les Yokaïs. Mais ces clans sont tous ennemis et vivent dans une fragile harmonie sur les terres des humains. Maya, héritière du clan des Loups et Bregan, héritier du clan des Tigres, sont les garants de la paix mais, scolarisés ensemble, ils nouent des relations qui pourraient n’être pas du goût des adultes. Là-dessus, débarque un complot, sans doute fomenté par des humains, qui fait surgir encore plus de tensions entre les tribus.
C’était mon premier roman de Cassandra O’Donnell et on ne peut pas dire que j’ai été follement emballée par le premier tome de ce cycle. D’une part parce que le roman est essentiellement un plantage de décors/persos en règle, d’autre part parce que je n’ai jamais été surprise, tant les clichés se suivent (et se ressemblent). Donc, en vrac, on a évidemment des personnages jeunes et donc plus futés que leurs aînés, une romance qui traîne, des inimitiés basées sur du vent, des actions faussement héroïques à gogo, traîtres, complot et tutti quanti. On ajoute à cela que le récit est volontiers sexiste et que le vocabulaire est d’une pauvreté effarante. Bref, je suis allée au bout et c’était mon maximum.
Le Gouffre, Rolland Auda (Sarbacane).
Willy-Saïd, 17 ans, narcoleptique, part à Maleroque, un village des Alpes, dans la maison de son grand-père Hans, dit Jean des Loups, un célèbre écrivain qui vient de mourir. Le jeune homme se rend rapidement compte que les sorciers et les monstres qui peuplent les histoires de son grand-père existent réellement, celui-ci s’étant trouvé embringué dans une sorte de partie d’échecs grandeur nature, mêlant vieilles légendes locales, entité maléfique qui sommeille et pouvoirs quelque peu surnaturels.
Que voilà un roman étrange ! C’est à mi-chemin entre polar et roman fantastique, sans jamais trop se décider. Dès le départ, l’auteur met en place une ambiance un brin gothique inquiétante, qui sied bien à l’intrigue. Celle-ci est pourtant assez lente à se déployer et à se mettre en place, d’autant que l’auteur fait un tas d’effets d’annonces, qui ne sont pas toujours suivies des-dites annonces. Donc c’est parfois un peu frustrant, car les explications sont minces. L’intertexte est assez important, avec pas mal de références à Stephen King et Lovecraft, notamment. Ce qui est dommage, c’est que tous ces faisceaux ne sont pas pleinement exploités. De plus, le récit est souvent heurté, avec quelques incohérences (le nom du protagoniste, pour commencer). En bref, l’idée de départ est chouette, mais je n’ai pas été emballée par l’ensemble.
La Théorie de l’iceberg, Christopher Bouix (Gallimard jeunesse).
L’été débarque à Figerolles-sur-Mer, petite cité banale de la côte Atlantique. Dans les bagages de la haute saison, Lorraine, fille d’un photographe et surfeuse à ses heures. Noé, lui, ne compte pas vraiment surfer car, depuis son terrible accident de surf, il souffre de bégaiement et d’une phobie traumatique. Sa professeure de français l’incite à écrire de la fiction ; un concours de nouvelles sera l’occasion de peaufiner son style et, pourquoi pas, faire de belles expériences !
C’est un roman plein de douceur et dont l’intrigue, assez linéaire, réserve au final assez peu de surprises. Mais est-ce gênant ? Que nenni ! Car on n’est pas là pour le suspense, mais pour l’évolution de Noé, qu’elle soit personnelle ou scripturaire. Celui-ci, en effet, fait la rencontre, via son petit job d’été, d’un vieillard acariâtre mais versé en lettres, qu’il va convaincre de l’aider à écrire. Et finalement, c’est de là que vient le suspense. Qui est vraiment monsieur Herrera ? Un vieillard ? Ou bien un extraordinaire auteur de science-fiction venu se cacher au fin fond de la cambrousse ? Cette petite enquête parallèle apporte beaucoup de sel à l’intrigue, comme son lot de divertissements. Christopher Bouix signe un très bon roman ado, agréable à lire tant sur la fin de l’été qu’à la rentrée !
Spill zone #1, Scott Westerfeld et Alex Puvilland (Rue de Sèvres).
Il y a 3 ans, un événement a détruit la petite ville de Poughkeepsie : la ville est devenue une zone à risque, contrôlée par le gouvernement, où plus personne ne s’aventure car d’étranges phénomènes et dangers mortels guettent les curieux. Depuis cette fameuse nuit où tout a basculé, les parents d’Addison ont disparu, sa petite sœur Lexa est muette et communique avec son étrange poupée devenue animée. Addison, photographe de génie, pénètre clandestinement toujours plus loin dans la zone tout en respectant son propre code de survie. Elle y prend des photos qu’elle vend illégalement à une collectionneuse. À l’occasion d’une commande qu’elle ne peut refuser, Addison s’avancera encore plus loin dans le cœur de la no-go zone. Pour y découvrir de bien étranges choses !
Je connaissais Scott Westerfeld au rayon romans, pas en scénariste de bandes-dessinées, mais le fait est que celle-ci est vraiment sympa tout plein. Dans une ambiance post-apo du meilleur effet, l’intrigue mêle adrénaline, virées à moto et mystères en tous genres, notamment sur ce qui peuple le no man’s land. Entre zombies, créatures dantesques et autres curiosités, on est servis. L’ambiance verse même dans l’horreur avec la poupée animée et assez terrifiante de Lexa, la petite sœur d’Addison – poupée qui ressemble assez follement au M. Nyx d’Ariel Holzl. L’ensemble est palpitant à souhait, on en redemande !
Cinéma & séries.
A Silent voice, Naoko Yamada (en salles depuis le 22 août).
Cet été est parue l’adaptation en film d’animation du manga éponyme de Yoshitoki Oima, que j’ai beaucoup aimé. L’univers du manga a été parfaitement retranscrit par la réalisatrice, tout comme l’intrigue générale. Comme dans les livres, elle évolue assez lentement, et se concentre sur les personnages, leurs interactions et les questions qu’ils se posent (Avec, entre autres, « comment devient-on adultes ? C’est quoi l’amitié ? » ). Quelques sous-intrigues ont été écartées mais, globalement, on retrouve les thèmes importants de la série de livres.
Le gros plus est la réalisation soignée ! La doublure de Shoko a été réalisée par Mélanie Deaf, elle-même sourde, et qui anime une chaîne youtube consacrée au sujet, afin de sensibiliser le public à ce handicap. Bref, une chouette adaptation !
Mission impossible : Fallout.
Jusque-là, j’avais échappé au phénomène Mission impossible. Incroyable, je sais ! Mais une aprèm pluvieuse et les tarifs fort accessibles de mon cinéma auront eu raison de cette lacune.
Pour vous résumer la chose, en bref : l’équipe de Mission impossible doit retrouver des charges de plutonium, qui seront bientôt vendues à Paris et, évidemment, sauver le monde !
Je partais dans l’idée de voir une bouse mais, finalement, ce n’était pas si mauvais que ça. Alors, je ne vais pas mentir, on n’échappe au film américain tellement classique que c’en est prévisible avec, en vrac : des méchants très méchants et machiavéliques, un complot mondial, un méchant-qu’on-croyait-hors-d’état-de-nuire, un gentil héros avec des failles, de la castagne, des cascades, des plans retors et une fin qui finit bien. Bah oui, quand même ! Dit comme ça, ça pourrait sembler mortellement chiant mais, finalement, c’est assez prenant, car l’intrigue est assez rythmée. Et puis la photographie du film est hyper réussie, donc ça compense pas mal.
22 miles
La bande-annonce de celui-ci me disait carrément mais, finalement, quelle déception !! C’est l’histoire d’une unité d’élite qui doit convoyer un dissident chinois (?) qui a donné des infos à la police.
L’histoire est bizarrement foutue, et fait s’entrecroiser trois temporalités. D’abord, le présent, avec les efforts de l’unité d’élite pour amener leur dissident à un avion sécurisé qui l’emmènera aux États-Unis (?) – je mets des points d’interrogation car les noms de pays ne sont pas hyper clairs, mais on imagine bien cela. La seconde ligne montre une femme et un militaire au fort accent slave (des russes ?) dans un avion avec, manifestement, l’envie d’en découdre salement. Troisième ligne, le chef d’opération subit un interrogatoire qui a manifestement un rapport avec l’échec de la mention sus-nommée. Comme tout cela s’entrecroise, il n’y a pas besoin d’être un génie en scénario pour comprendre que la mission a capoté (et en poussant un peu, on comprend même pourquoi). La totale absence de suspense est compensée par un déchaînement de violence et de rebondissements tous plus rebondissants les uns que les autres, mais sans grande saveur jusqu’à la fin. En plus de cela, il y a un tas de sous-intrigues qui n’apportent franchement rien à l’histoire et dont on se demande ce qu’elles font là. Je m’interroge encore sur l’utilité de l’histoire familiale d’une des femmes de l’équipe : est-ce juste pour ajouter du drama, ou pour insinuer l’idée qu’une maman qui travaille, ça le fait pas ? Mystère. Bref, un raté pour ce film, avec lequel je me suis passablement ennuyée.
Timeless.
J’ai également terminé cet été la première saison (sur 2) de Timeless, dans laquelle une historienne, un militaire et pilote sont chargés de remonter le temps afin d’empêcher un consortium mystérieux de détraquer l’histoire. Eh bien, mine de rien, la série se laisse regarder. Évidemment, c’est parfois un tantinet répétitif et les motifs de partir dans le passé parfois un peu tirés par les cheveux mais l’ensemble est plutôt sympathique et prenant. Les épisodes couvrent un large spectre historique (de l’histoire américaine). Alors on n’échappe pas aux grands poncifs du genre, mais avec quelques bonnes surprises de temps en temps (l’épisode avec Bass Reeves, par exemple, en faisait partie). Sans surprise (encore), il y a un grand complot dans l’histoire, avec une firme malhonnête et à la moralité douteuse, dont les objectifs plus que troubles soutiennent le suspense — à cet égard, la fin du dernier épisode, si elle n’est pas surprenante, laisse sur des charbons ardents !
C’est sans doute sans prétention, mais je regarderai avec plaisir la seconde saison !
Tops et Flops.
Au chapitre des flops, je ne m’étendrai pas plus sur Le Gouffre et La Légende des 4 dont j’ai parlé plus tôt et qui ne m’ont pas laissé un souvenir impérissable – et je ne lirai sans doute pas la suite du roman de Cassandra O’Donnell.
Mais j’ai eu de belles découvertes, avec même un coup de cœur ! Mais avant d’en parler, je vais évoquer les autres jolies surprises estivales, en commençant par un roman historique jeunesse, j’ai nommé Pour qui meurt Guernica ? de Sophie Doudet (Scrinéo).
Celui-ci porte donc, sans surprise, sur le bombardement de la petite cité de Guernica, sous les ordres de Franco , durant la guerre civile espagnole. On y suit le parcours de deux adolescents (donc il y a un peu de romance, mais ce n’est pas le sujet principal), qui vont se retrouvé jetés sur les routes suite au drame. Événements historiques, analyses politiques, Sophie Doudet dresse un panorama très complet de ce fait historique, dont les tenants et aboutissants sont bien décrits. Bonne pioche !
L’Anti-magicien, Sébastien De Castell (Gallimard jeunesse).
Alors là, on ne peut pas dire que je partais conquise d’avance. Mais finalement, quelle bonne surprise ! Sébastien De Castell présente un univers original, sis dans un environnement désertique avec oasis, sable et bestioles originales. L’intrigue n’est pas toujours des plus originales, mais très prenante, d’autant que le complot politique est loin d’avoir été totalement exploré à la fin du premier volume. Affaire à suivre, d’autant que le tome 2 est en passe d’être publié !
Et on en arrive donc au coup de cœur avec, sans surprise (?), le nouveau roman de Flore Vesco, Gustave Eiffel et les âmes de fer. Celui-ci se déroule quelques quinze années après Louis Pasteur contre les loups-garous, mais c’est avec un réel et immense plaisir que j’ai retrouvé l’ambiance très scientifique et aventureuse, ourlée d’un peu de steampunk sur les bords, de son univers. On lit encore une fois un roman endiablé, porté par une plume exquise, qui multiplie calembours et bons mots pour notre plus grand plaisir !
Citations.
« Tu comprends, a-t-il repris d’un coup, un titre, ce n’est pas seulement une indication de ce qui va se passer dans l’histoire. C’est aussi une promesse, un secret. Il faut que ce soit mystérieux et alléchant. Comme une boule de glace au rhum avec des petits raisins dedans. Exactement comme ça. »
« Quand mes parents ont divorcé, a-t-elle repris, j’ai eu la sensation que quelque chose se brisait en moi. Comme un vase de porcelaine très fine qui se retrouverait éclaté, du jour au lendemain, en mille morceaux. Pourtant, regarde-moi.
J’ai levé les yeux vers elle.
– J’ai tout pour être heureuse, non ? Mes parents aussi sont riches. Mon père m’emmène aux quatre coins du monde chaque année. Je suis une privilégiée, tu crois que je ne le sais pas ?
Je ne savais vraiment pas quoi dire. Quelque chose brillait dans ses yeux. Comme une lumière sombre et profonde, un peu plus vive que d’ordinaire.
– Mais essaie de recoller des morceaux de porcelaine, a-t-elle dit à mi-voix. »
La Théorie de l’iceberg, Christopher Bouix (Gallimard jeunesse).
***
« Ah, fit la femme, avant de pincer les lèvres en signe de désapprobation. Une jeune fille de votre âge ne devrait pas se résigner à travailler pour vivre. Vous devriez songer à votre mariage. Jolie comme vous êtes, il n’est pas encore trop tard pour trouver un mari bon et respectable qui puisse veiller sur vous.
– Je préfère veiller sur moi-même, madame, mais je vous remercie. J’apprécie votre sollicitude, mais certaines d’entre nous ont des soucis plus pressants que s’entraîner à faire la révérence ou à transformer des coiffes de taille délirante en expérimentations végétales.»
« Marlowe est quelqu’un de bien et c’est un inspecteur compétent, mais il voit ce que tout le monde remarquerait à sa place : tout ce qui sort de l’ordinaire. Il repère les taches de sang et les déments dans leurs pyjamas rouges. Je vois des choses plus extraordinaires encore, celles que personne d’autre ne peut deviner. Mais vous… vous remarquez les boîtes aux lettres, les poubelles et… les gens. Quelqu’un capable de voir l’ordinaire… c’est vraiment formidable, Abigail Rook. »
Jackaby, tome 1, William Ritter (Bayard).
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« Je viens de l’ouest et je cherche à rejoindre la famille de l’autre côté de là…
D’un geste, le berger l’interrompt.
– Pas la peine de me raconter des fredaines, mon garçon. Tu n’es pas le premier que je croise dans la montagne et, hélas, tu ne seras pas le dernier… Je ne veux rien savoir. Ainsi je n’aurai rien à dire si la garde civile poussait ses rondes par ici pour discuter politique avec moi. Moi, je m’appelle Pablo et je suis berger dans cette montagne depuis mes quinze ans. C’est à peu près ton âge, non ? Depuis cette période, il en est passé des saisons, avec des troupeaux, des chiens et des loups, si tu vois ce que je veux dire. En ce moment, c’est plutôt le temps des loups. Viens avec moi, il faut te réchauffer. »
Pour qui meurt Guernica ?, Sophie Doudet.
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« Vous êtes costaude pour une fille, dis-je, furieux quand ce dernier mot s’échappa de ma bouche.
J’avais récemment découvert que plus on me frappait, plus je disais de bêtises.
– Pour une fille, peut-être, mais pour une femme, je suis plutôt normale, répliqua-t-elle.
– Je ne connais pas beaucoup de femmes qui seraient capables de me porter, insistai-je. Je ne suis pas si petit que ça.
Allez savoir pourquoi, j’avais besoin de marquer ce point.
Furia lâcha un petit pfff qui, selon moi, était juste dédaigneux.
– Gamin, les seules femmes qu’il y a dans le coin sont destinées à jeter de gentils petits sorts et à être agréables à regarder. Comme les hommes, en somme. »
L’Anti-magicien, tome 1, Sébastien De Castell.