Ferenusia, Les Outrepasseurs #4, Cindy van Wilder.

« Qui étaient ces êtres, si semblables et pourtant si différents des hommes ? On ne pouvait pas nier leur peau grise, qui se détachait délicatement de la structure de fer à laquelle ils s’accrochaient avec toute l’aisance d’alpinistes chevronnés. Soudain, la caméra bascula sur le buste de la statue de la Liberté. En lettre majuscules, vert sombre, s’étalait le mot :  FERENUSIA »
Privé de la magie presque disparue, l’empire des Outrepasseurs se disloque de toutes parts. Seul survivants dans cette débâcle, les Ferreux, des fés réduits à l’esclavage, s’échappent de leurs prisons. Soutenus par Ferenusia, un réseau clandestin, ils n’ont qu’un seul objectif : obtenir les mêmes droits que les humains, dans un monde qui ignore tout de leur existence. Mais leurs anciens maîtres sont prêts à tout pour protéger leurs secrets, quitte à éliminer le moindre témoin de leurs forfaits passés…

Cette chronique est susceptible des contenir des révélations malheureuses sur la trilogie des Outrepasseurs

En débutant Ferenusia, on retrouve Peter, les Outrepasseurs et tous les autres personnages juste après la fin des événements narrés dans la trilogie initiale. La magie ayant disparu, l’empire patiemment mis en place par les Outrepasseurs part en fumée ; mais les Ferreux, après avoir été réduits en esclavage, ne vont pas se laisser faire.

Assez vite, le récit met donc en place une double intrigue. La première concerne Peter, qui a assez mal vécu la fin des événements narrés dans Le Libérateur : il n’est motivé que par l’idée de récupérer Arnault lequel, avec la disparition de la magie, se trouve en fort mauvaise posture. De l’autre, on suit les Ferreux, aux itinéraires troublés et marqués par des revendications d’importance. Ainsi, l’intrigue nous amène, d’Angleterre, en France, Belgique et même Australie.
Peter et Smokey, la jeune femme qui accueille les Ferreux, sont protagonistes de l’aventure. Mais l’on découvre (ou re-découvre) de nouveaux personnages. Ferus, l’Outrepasseur de la Maison de l’Ours, nous apparaît comme un vieil homme fatigué et presque prêt à se repentir pour les exactions commises ; Albane, son épouse, quant à elle, remplace aisément Noble en tant qu’opposant principal. Parmi les petits nouveaux, on peut citer d’éminents membres de Ferenusia, fermement engagés dans la reconnaissance des droits des Ferreux et dans celles de leurs droits.

En effet, avec Ferenusia, on quitte le « simple » sujet de lutte pour la domination magique (la magie ayant disparu) pour explorer le thème de l’identité, sous différentes formes. Il est donc question d’identité sexuelle, au travers d’un passionnant travail sur la langue (genrée ou non). Cela pourrait paraître un peu étrange mais en fait, cela colle à merveille au sujet de ce qui est mis en scène dans le roman. Car l’identité est vraiment au centre de l’histoire. Quelle est l’identité des Outrepasseurs ? Amis ou bourreaux ? La question a été plus ou moins résolue (pas pour tout le monde), dans la trilogie précédente ; maintenant, c’est l’identité des Ferreux qui est en jeu : sont-ils des terroristes ? Des miséreux avides de pouvoir ? Ou un peuple réduit en esclavage ? Difficile, pour cette population aux abois et pointée du doigt par les autorités du monde entier, de savoir qui elle est réellement. Sans compter que de nombreux Ferreux ou descendants de Ferreux (Smokey la première), sont à la recherche de leurs proches dispersés , perdus ou simplement inconnus.
Ce qui fait, finalement, de cet opus, un roman qui colle parfaitement à l’actualité : le débat sur l’identité (sexuelle, nationale…) fait rage, celui sur les familles d’immigrés déchirées par des événements traumatisants aussi.

Et de fait, l’arrivée de ces sujets assez neufs par rapport à la trilogie donne au récit une toute nouvelle saveur. Non seulement on a l’impression de redécouvrir l’univers sous un autre angle, mais en plus celle de profiter d’une suite qui tient aussi du spin-off. En bref : un tome spécial, à tous points de vue !

Par ailleurs, il contient également une nouvelle, « Tsimoka », initialement publiée dans l’anthologie Fées et automates des Imaginales 2016. Dans celle-ci, Cindy van Wilder revient sur la naissance de la première Ferreuse. La nouvelle mêle univers du cirque, féérie et ambiance délicieusement steampunk, dans un mélange si réussi que j’ai quasiment regretté que ça ne fasse pas l’objet d’un tome complet. C’est dire !

Replonger dans l’univers des Outrepasseurs a été comme une bouffée d’air fraîche : l’histoire principale était certes finie, mais il restait encore des détails à régler, ce que Cindy van Wilder fait à merveille ici, en proposant une conclusion particulièrement intéressante à la quête des Ferreux, toute d’actualité. Une raison de plus, si l’en fallait une, de découvrir cette série à la fois originale et pleine de bonnes réflexions. 

◊ Dans la même série : Les Héritiers (1) ; La Reine des neiges (2) ; Le Libérateur (3).

Les Outrepasseurs #4, Ferenusia, Cindy van Wilder. Gulf Stream, 4 mai 2017, 382 p. 

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2 commentaires sur “Ferenusia, Les Outrepasseurs #4, Cindy van Wilder.

  1. totorotsukino dit :

    pour ma part je ne suis pas du tout convaincue par ce dernier tome (malheureusement :()

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