The Curse #1, Marie Rutkoski.

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Fille du plus célèbre général d’un empire conquérant, Kestrel n’a que deux choix devant elle : s’enrôler dans l’armée ou se marier. Mais à dix-sept ans à peine, elle n’est pas prête à se fermer ainsi tous les horizons. Un jour, au marché, elle cède à une impulsion et acquiert pour une petite fortune un esclave rebelle à qui elle espère éviter la mort. Bientôt, toute la ville ne parle plus que de son coup de folie. Kestrel vient de succomber à la  » malédiction du vainqueur  » : celui qui remporte une enchère achète forcément pour un prix trop élevé l’objet de sa convoitise.
Et, de fait, elle ignore encore qu’elle est loin, bien loin, d’avoir fini de payer son geste. Joueuse hors pair, stratège confirmée, elle a la réputation de toujours savoir quand on lui ment. Elle croit donc deviner une partie du passé tourmenté de l’esclave, Arin, et comprend qu’il n’est pas qui il paraît… Mais ce qu’elle soupçonne n’est qu’une infime partie de la vérité, une vérité qui pourrait bien lui coûter la vie, à elle et à tout son entourage.

Pendant le SLPJ de Montreuil, j’ai assisté à une présentation du programme éditorial à venir des éditions Lumen (fort alléchant, soit dit en passant), durant laquelle on nous a présenté The CurseLequel nous a été vendu comme une grande et belle histoire d’amour. Or, si vous me connaissez un peu, vous savez que c’est typiquement le genre d’histoire gnangnan qui m’escagace au plus haut point (celui qui me donne envie de claquer des gens, auteur et personnages inclus). Si, si.
Sauf que. Je n’ai fait qu’une bouchée de The Curse car, finalement, c’est autant une histoire d’amour qu’une histoire d’intense détestation et que c’est bien plus subtil que ce qu’on pouvait nous en révéler le jour J !

L’introduction nous fait découvrir le peuple Valorien (plutôt pâles, blonds aux yeux clairs), auquel appartient Kestrel, qui a conquis, des années plus tôt (et par la force), le peuple Herrani (plutôt bruns, mats, aux yeux foncés), désormais réduits en esclavage. Kestrel, fille unique (et adorée ?) du général Trajan est ce qu’on peut appeler une extravagante. Elle sait qu’elle a 3 ans devant elle pour choisir entre la carrière de l’armée et le mariage. La première la débecte et elle veut faire un mariage d’amour (ce qui fait figure d’exception). Mieux : c’est une musicienne accomplie, qui sèche volontiers l’entraînement militaire pour protéger ses mains, au grand dam de son père et de son entraîneur. Or, second problème, la musique est un art typiquement herrani, pratiqué par les esclaves. Du coup, l’achat de cet esclave réputé savoir chanter ne fait qu’ajouter à son image de noble excentrique – et de fille perdue pour la science, au passage.

On ne peut pas vraiment dire que les choses démarrent très bien entre Kestrel et Arin, l’homme qu’elle a acheté – on s’en serait doutés. D’ailleurs, celle-ci vit sa vie de jeune nantie tandis que l’autre est affecté à la forge de la demeure, avec assez de travail pour occuper toute une vie. Leurs interactions sont, dans un premier temps, assez limitées. Mais Kestrel est une joueuse et une stratège accomplie, accro à l’adrénaline des paris et des risques que l’on prend au cours d’une partie. Elle défie donc Arin à Crocs et Venins, un jeu très en vogue. Et, rapidement, quelques détails lui mettent la puce à l’oreille : définitivement, Arin n’a pas le comportement d’un homme du peuple. Se pourrait-il qu’il ait été un noble herrani, qu’il fasse partie de ces esclaves forcés de servir au sein de leur propre demeure d’enfance ?

Les réponses sont apportées au compte-goutte et, même si l’on a de forts soupçons sur, d’une part, l’identité probable d’Arin et, d’autre part,  ses motivations, il y a des révélations jusqu’à la fin du premier tome (et l’auteur en a encore gardé sous le pied). Difficile, du coup, de lâcher le roman avant la fin, d’autant que rythme et suspens sont maintenus de bout en bout – et dans le dernier quart, ça devient carrément de la folie.

Côté personnages, Marie Rutkoski propose un intéressant duo. Si Kestrel peut, parfois, se montrer un tantinet naïve, Arin, lui, est intrigant dès le départ. Contrairement à ce qu’aurait pu laisser croire le résumé, il n’y a pas vraiment de romance dans l’intrigue (même si un peu quand même) et on est loin du coup de foudre entre ces deux-là. Ils sont plutôt abonnés au régime des piques perfides, des petites (ou grosses) trahisons et des coups bas. Ce qui dessine des personnages crédible et une dynamique assez fascinante.
Et ce d’autant plus lorsque les plans de l’une et de l’autre commencent à se dessiner avec plus de précisions : difficile de voir comment l’histoire pourrait tourner à l’avantage de l’un ou de l’autre : tour à tour, ils sont mis en difficulté et on se surprend à s’angoisser pour l’un comme pour l’autre.

Du point de vue de la narration, l’auteur a choisi une focale externe (et un récit au passé, alleluia !), ce qui nous permet de suivre l’un ou l’autre des personnages et d’avoir une idée assez nette de ce qui se trame. L’intrigue dessine, en filigrane, la douloureuse histoire qui oppose les Valoriens aux Herranis. Mais, de ce côté-là, on manque un peu de détails : Kestrel n’a pas participé à la guerre et Arin est trop secret pour en révéler de trop, ce qui fait qu’on est parfois un peu dans le flou concernant les tenants et aboutissants de la situation. De plus, l’auteur est un peu avare en descriptions, ce qui laisse de temps à autres un léger goût de trop-peu. Ainsi, à part quelques points remarquables de la cité (le port, le col, quelques propriétés), j’ai parfois eu du mal à m’en faire une idée, mon imagination oscillant entre diverses propositions (plutôt Vikings ou plutôt Civilisation orientale étant mes favorites, cette dernière étant notamment induite par la scène finale du roman).
Malgré tout, on en sait assez pour comprendre les inimitiés entre les personnages. L’histoire d’Arin, que l’on devine peu à peu est bien menée : on compatit aux choses terribles infligées aux Herranis, sans jamais tomber dans le pathos. C’est délicat, mais l’exercice est réussi !

Bonne pioche, donc, avec ce premier tome de la série The Curse. J’ai adhéré tant aux personnages qu’à l’intrigue prenante qui, sous des accents classiques, est diablement efficace — classique, car elle a un indéniable petit côté Roméo et Juliette sauce fantasy. Et bien que l’histoire de coeur soit au centre de l’affaire, j’ai grandement hâte de découvrir le prochain tome, c’est dire si ça m’a plu !

The Curse #1, Marie Rutkoski. Traduit de l’anglais par Mathilde Montier.
Lumen, 16 février 2016, 484 p.

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17 commentaires sur “The Curse #1, Marie Rutkoski.

  1. Ha, content que tu aies aimé !

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  2. plumesdelune dit :

    M’escagasse ? Qu’ouïe-je ? Tu viens de me faire découvrir un mot, j’adore ! Bref, revenons à nos moutons, tout le monde en parle de celui-ci, c’est intrigant ! Pour l’instant, j’ai lu des avis positifs alors ça donne plutôt envie ^^
    Bises
    Kin

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  3. vinushka64 dit :

    Un livre qui a priori ne me tentait pas (le résumé semblait un peu « vu et revu ») mais ton avis m’intrigue beaucoup !

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    • Sia dit :

      En fait, c’est difficile à résumer et je comprends que le résumé ne te botte pas : si on ne disait rien de ce qu’il montre, ça n’aurait pas donné envie de le lire et s’il avait été un poil plus précis, ça aurait gâché toutes les surprises. Ou comment résumer l’art difficile du résumé 🙂

      Aimé par 1 personne

  4. Camille dit :

    A cause de toi, je l’ai acheté au salon! 😛

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  5. Le petit côté Roméo et Juliette sauce fantasy m’attire et me fait hésiter à la fois ! Une seule solution : découvrir par moi-même vers quel sentiment final la balance penchera 😉

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