Faustine Mésanger ne croit pas à grand-chose, sinon au travail. Déterminée à réussir sa vie, la jeune étudiante a déjà presque tout prévu : l’amour, on verra plus tard, priorité à sa carrière qu’elle se charge de construire. Build the future !, c’est justement le slogan fondateur de la Fondation du Griffon, pour laquelle son chercheur de père officie. Cette ONG a pour objectif de rendre le monde meilleur. Charles Mésanger travaille donc d’arrache-pied sur le Tumorex, un vaccin contre le cancer, dont les essais cliniques vont bientôt débuter. Or, il semblerait que la Fondation dérange quelqu’un. En effet, le laboratoire du professeur Mésanger est la cible d’un attentat.
Dès lors, la vie de Faustine bascule : alors qu’elle est emmenée de l’université, elle frôle la mort. La voilà, dès lors, privée de partiels, emmenée à l’abri avec son père au Château de la Griffe Bleue, en Gironde, et mise sous la protection directe et rapprochée de Nato Braye, dont l’exotique charme ne la laisse pas franchement indifférente. Autre problème : Faustine croit entendre sans cesse la voix magnétique de l’homme qui les traque et qui se fait appeler Imago. Stress post-traumatique ? Hallucinations ? … Folie ? L’étrangeté de Chevalier, coordinatrice de la Fondation et propriétaire de la Griffe Bleue, n’arrange rien au problème. Tout le monde est sur les dents, Faustine la première. Et d’autant plus lorsqu’elle comprend que le brillant avenir qu’elle a projeté est plus que menacé.
Il ne faut pas plus de quelques pages à Lise Syven pour nous installer dans un climat de tension extrême : après avoir appris que son père a survécu à un attentat contre son laboratoire, Faustine est extraite de l’université, mise à l’abri et manque elle-même de se faire tuer. Le récit nous place au même niveau que la jeune femme : on ne sait pas de quoi il retourne, ni comment elle s’inscrit dans la situation. Et ça ne s’arrange pas ! Car non seulement Faustine nage en plein brouillard mais, en plus, l’auteur parvient à nous faire douter de sa santé mentale. Le récit étant opéré à la troisième personne, on en vient à se demander très sérieusement quelle est la part d’hallucinations dans ce que Faustine voit et ressent…. De fait, le suspens est constamment présent.
D’autant que la situation s’y prête vraiment bien : il y a le problème lié à l’attentat, mais aussi les petites bisbilles entre chercheurs (le père de Faustine chapeautant la jeune Marianne, scientifique de génie et quelque peu accaparante), les interrogations de Faustine, le sentiment d’urgence qu’elle place autour de ses partiels et ses sentiments troubles envers son garde du corps – dont la fonction pourrait être à prendre au sens le plus littéral du terme.
Ce mélange de préoccupations est vraiment très réussi et entretient le suspens de bout en bout. En effet, le mystère est maintenu jusqu’à la fin, tant les motivations des uns et des autres restent obscures. Et, au-delà des motivations, on s’interroge aussi sur la nature des protagonistes en présence : à vrai dire, sont-ils bien tous… humains ?
Peu à peu, l’auteur instaure doucement un climat doucement fantastique parfaitement maîtrisé : on doute, on subodore, on revient sur nos hypothèses pour en échafauder de nouvelles et la solution n’est pas clairement annoncée jusqu’à la fin, qui nous laisse avec un demi-milliard de questions en tête et la tenace envie d’en savoir plus !
Côté personnages, Lise Syven a choisi une galerie vraiment intéressante. Faustine, personnage central, n’a aucun pouvoir, ni même quoi que ce soit de particulier. Sa seule raison d’être impliquée est qu’elle est la fille d’un chercheur visé par les opposants. Elle n’a donc aucun pouvoir, ni aucun talent mobilisable dans l’enquête en cours – car elle a d’autres talents ! Cela change des romans habituels où le personnage central est aussi celui qui concentre le talent indispensable. Nato, quant à lui, offre un contrepoint intéressant, notamment en raison de ses ascendances haïtiennes, qui instillent non seulement un peu d’exotisme dans l’histoire, mais aussi un terrain propice à l’installation d’un climat fantastique.
En somme, voilà un premier tome que l’on lit avec toujours plus de questions en tête. Et, si la fin apporte quelques réponses non négligeables, il reste encore plus de points sans réponses, ce qui fait que l’on attend beaucoup de la suite – que j’ai, il va sans dire, hâte de lire !
Saving paradise #1, En proie au rêve, Lise Syven. Castelmore, octobre 2016, 319 p.
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Ouah tu donnes trop envie ! Bon, je n’en avais pas besoin vu que j’adore ce que fait Syven, mais quand même =D
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Eh bien, j’espère que le titre sera à la hauteur de tes attentes ! Qu’as-tu lu d’autre de Syven ?
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Le T1 des Chroniques de Siwès et toute La Balance Brisée 😊
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Très belle chronique pour un roman que j’ai décoré et digne des plus grands films hollywoodiens !
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Exactement ! Je pense que ça rendrait vraiment bien à l’écran – pour peu que le scénario soit bien adapté.
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