U4 : Jules, Carole Trébor.

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Cela fait 10 jours que le virus U4 accomplit ses ravages. Plus de 90% de la population mondiale est décimée. les seuls survivants sont des adolescents. L’électricité et l’eau potable commencent à manquer, tous les réseaux de communication s’éteignent. Dans ce monde dévasté, Koridwen, Yannis, Jules et Stéphane se rendent, sans se connaître, à un même rendez-vous. Parviendront-ils à survivre, et pourront-ils changer le cours des choses ?

Jules vit reclus dans son appartement du boulevard Saint-Michel, à Paris. Il n’a pas de nouvelles de ses parents, en voyage à Hong Kong lorsque l’épidémie a commencé de se propager. Le spectacle qu’il devine par la fenêtre est effroyable, la rue jonchée de cadavres. Mais il sait qu’il ne pourra pas tenir longtemps en autarcie. Pour affronter l’extérieur, Jules redevient le guerrier impavide qu’il était dans le jeu vidéo Warriors of Time, WOT pour les intimes. Il va alors retrouver son frère aîné, qui se drogue et dont il ne peut rien attendre, puis secourir une petite fille qui a mystérieusement échappé au virus et qu’il décide de prendre sous son aile. Son seul espoir : le rendez-vous fixé au 24 décembre par le maître du jeu de Warriors of Times.

U4 est une série au concept assez original : deux éditeurs (Syros et Nathan) publient conjointement les 4 romans écrits par 4 auteurs différents, chacun développant un personnage particulier dans le même univers et dont le parcours recoupe celui des autres. Yannis (Florence Hinckel), Stéphane (Vincent Villeminot), Koridwen (Yves Grevet) et Jules (Carole Trébor) peuvent être lus indépendamment – mais si l’on veut tout savoir des personnages, alors on peut tout lire.

Avec Jules, on débute à Paris. L’adolescent, nerd convaincu, n’attend qu’une chose : le 24 décembre, afin de rencontrer ses camarades geek et – peut-être – sauver le monde, attendu que 90% de la population mondiale a été décimée et qu’il ne reste que des adolescents. Ceux-ci s’organisent rapidement en petites bandes armées et relativement dangereuses, tandis que les militaires décrètent la loi martiale et nettoient la cité à grands coups de mitrailleuses.
La première chose à noter, c’est que l’aventure de Jules ne m’a pas semblé bien crédible. D’abord parce qu’il faut moins de trois jours à l’épidémie pour, d’une part, éradiquer tous les adultes et les enfants et, d’autre part, paralyser le pays en coupant (comment ?) les distributions d’eau, de gaz, d’électricité, de réseau. C’est un peu rapide, mais admettons. Au bout de 3 semaines de survie pénible dans l’appartement familial, Jules recueille une petite fille, Alicia, mutique et enfermée dans l’univers de Dora l’exploratrice, dont elle se prend pour le personnage principal. Si le duo se montre parfois attachant, ils sont loin d’avoir le charisme de la paire Amy-Baby
Décidé à survivre, Jules intègre avec la fillette (la seule fillette à avoir survécu, semble-t-il) une communauté d’adolescents organisées, dirigée (chance !) par ses deux meilleurs amis, Jérôme et Vincent. Et on continue sur une pente toujours aussi peu réaliste. Car ils sont aussi bien organisés que des paramilitaires : le fils de flic gère l’armement, la fille de pharmacienne administre médicaments et opérations de main de maître, etc. Le tout sans barguigner et avec une maîtrise qui ferait baver de jalousie les spécialistes. Mais ce ne sont que des adolescents paumés, que diable !

Et, malheureusement, on continue avec les clichés les plus éculés des romans post-apocalyptiques. Car bien que la population mondiale ait été salement décimée, il reste quelques adultes, essentiellement des militaires, qui quadrillent Paris en organisant des points de rassemblement que les adolescents sont obligés de rejoindre. Au bout de quelques jours, les soldats passent au grade supérieur : les jeunes survivants sont tout simplement abattus à vue s’ils n’ont pas été pucés et intégrés aux points de rassemblement, sans que l’on sache pour quelle excellente raison ils agissent ainsi (autre que : parce que ce sont les méchants, s’entend). Dites, les gars, ça ne vous est pas venu à l’esprit que massacrer les rares survivants n’allait pas aider à sauver l’humanité ? Point de détail, dites-vous ?
Passons donc ce point de détail et ignorons la bêtise crasse de ces survivants.

Autre point qui fâche : le style. C’est Jules qui raconte l’histoire et, si l’on est adepte du réalisme, on est servis ici. Qu’il s’exprime mal ! Les phrases sont à la limite de la correction, le style extrêmement oral, et ses pensées pseudo-héroïques parfois pénibles à suivre.
De plus, on tourne souvent en rond et les sujets graves abordés (le deuil, la responsabilité, l’addiction) sont à peine survolés : les scènes de questionnement ou de remises en question sont expédiées. C’est superficiel à souhait et c’est bien dommage, car il y avait du potentiel. En revanche, il y a de l’action à revendre : le temps qu’on ne passe pas à se questionner, on le passe à lutter contre (au choix) les gangs adverses, ses propres démons, les militaires ou les rats mutants qui ont envahi la ville – encore que, là aussi, les ellipses ne soient pas toujours les bienvenues, nous coupant souvent une partie non négligeable des explications, ou provoquant des changements de plan du coq à l’âne.
Là-dedans, l’intérêt du jeu vidéo est assez limitée : outre le fait que cela ancre Jules dans le cliché de l’adolescent accro à l’écran et pas toujours capable de différencier réel et virtuel, l’histoire développée autour de Warriors of Time est bien légère.

Rencontre ratée avec l’aventure de Jules, donc : outre le scénario post-apocalyptique pas très crédible, le style très oral, les personnages peu nuancés et l’aspect superficiel de l’aventure auront eu raison de ma patience. Mauvaise entrée en matière pour U4, en somme. 

U4 : Jules, Carole Trébor. Nathan / Syros, 2015, 431 p.

ABC Imaginaire 2015

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19 commentaires sur “U4 : Jules, Carole Trébor.

  1. Tesrathilde dit :

    Autant pour une série sur laquelle j’avais par ailleurs lu de bonnes critiques ! ^^ Moi aussi les ados/enfants/novices autres qui savent tout faire sans aucun problème ça m’énerve énormément.
    « De plus, on tourne souvent en rond et les sujets graves abordés (le deuil, la responsabilité, l’addiction) sont à peine survolés : les scènes de questionnement ou de remises en question sont expédiées.  » Recette facile à écrire (j’imagine ?), facile à lire, qui fait fureur aujourd’hui. Après tout, pourquoi pas, mais c’est bien dommage d’écorner ainsi les grands principes et buts même de la SF.

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    • Sia dit :

      D’où mon intense frustration ! Il y a des choses hyper intéressantes sur le deuil, la perte d’un être cher (le frère en l’occurrence, camé à mort) et rien n’est fouillé. Du coup, c’est du vite lu, vite oublié, malheureusement.

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  2. Cette saga le tentait beaucoup mais quand j’ai vu qu’il y avait 4 auteur différents… ça m’a beaucoup tenté ! Je réfléchis encore mais les avis me rendent de plus en plus curieuse

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  3. May dit :

    aaaaah ! Je commençais à me sentir seule devant ce déluge de bonnes critiques que je ne comprenais pas. Merci !

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  4. Je n’ai pour l’instant lu que Stéphane et j’avais aussi eu un peu de mal avec le style même si elle ne s’exprime pas spécialement mal. Mais oui, au niveau scénario, j’ai déjà vu plus original… j’avoue que j’aimerais bien savoir ce qu’il se passe à Paris n’empêche!

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  5. lisavecmoii dit :

    Je suis en train de lire ce livre, qui est pour moi le premier de cette saga. Je n’ai pas lu ta chronique de peur de me spoiler, mais à la vue de ta conclusion , je suis triste pour toi que tu n’ai pas accroché, j’en suis à environ 100 pages et si la suite me plais autant, ce livre sera presque un coup de coeur!

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  6. Lupa dit :

    J’ai vu tellement d’avis sur ces romans que mon envie s’est dégonflé, comme un pauvre soufflé au fromage 😀 Pourtant je trouvait le concept original au départ, mais les billets mitigés m’ont fait réfléchir et maintenant je pense plutôt « bof bof ! » après t’avoir lu ! Merci pour cet éclairage supplémentaire 🙂

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