Tout commence avec une valise échouée sur la plage du Penon, dans le sud des Landes. À l’intérieur, le cadavre d’un homme ficelé, portant des marques évidentes de torture : Domingo Augusti, trafiquant minable, trois fois arrêté, jamais condamné. Cette macabre découverte met l’équipe de la P.J. de Bayonne sur les dents. D’autant qu’elle pourrait bien avoir des liens avec une autre affaire d’assassinat au Pays basque, vieille de plusieurs années, restée non élucidée.
Emma Lefebvre, jeune recrue aussi ambitieuse que déterminée, rescapée des attentats du 11 mars et ayant une dent contre les terroristes basques met bientôt au jour une sombre organisation mafieuse, avec à sa tête un certain Javier Cruz.
Mais quel rapport avec les manifestations des écologistes installés sur le terrain de l’entreprise Sargentis, aujourd’hui démantelée ? En existe-t-il un, seulement ? Falsifications, détournements, trafics d’influences, meurtres, les visages de la corruption sont souvent les mêmes, toujours hideux…
Après l’excellent L’Homme qui a vu l’homme l’an dernier, le dernier titre de Marin Ledun était attendu de pied ferme. Et il est aussi bon que le précédent – qu’il vaut mieux avoir lu avant, d’ailleurs, car on y retrouve des personnages, et les deux affaires sont liées. Quatre ans après la fin de l’enquête d’Iban Urtiz sur la disparition de Jokin Sasco, c’est une autre disparition qui agite les forces de police. Ou plutôt, la réapparition d’un cadavre sur les plages landaises. Cadavre vu pour la dernière fois, lorsqu’il était en vie, sous la garde des forces de l’ordre… Voilà qui fait désordre.
Et, dès le départ, c’est mal engagé. Sont placés sur l’affaire Simon Garnier – lequel a tout intérêt à ce que les coupables ne soient pas découvert, puisqu’il est mouillé jusqu’au cou -, le commandant Axel Meyer – dont la promotion est assujettie au non-lieu qu’on attend de lui -, et la jeune et tenace Emma Lefebvre, traumatisée par les attentats du 11 mars qu’elle attribue à tort au terrorisme basque, et qu’elle souhaite condamner par tous les moyens.
La grande force de ce roman, ce sont les personnages qui le composent. Côté policiers, on s’attache assez vite à Emma Lefebvre, malgré son entêtement et son aveuglement tenace. Car le portrait est fouillé et que, malgré les erreurs, on comprend son raisonnement. Et les deux autre membres de l’équipe, malgré leur incompétence, sont tout de même attachants. Mais il n’y a pas qu’eux ! Au fer rouge présente une multitude de personnages. On retrouve Javier Cruz, déjà entraperçu dans l’affaire Jokin Sasco, et ses acolytes, qui dansent sur le fil de la folie ; on croise Macrina, une escort espagnole qui trempe par hasard dans les plus sombres affaires ; Giraud, un notable local pourri jusqu’à la moëlle ; et Gaizka, qui aimerait juste que l’on reconnaisse les torts de l’entreprise de son père dans le décès de ce dernier. Directement ou indirectement, tous finissent par être embarqués dans le sombre imbroglio.
Car un des points majeurs d’Au fer rouge, c’est d’être un polar pour le moins noir. Corruption, magouilles politiques et policières, trafics de drogue savamment orchestrés par les autorités, arrestations arbitraires, bouc émissaires… tout y est. Autant L’Homme qui a vu l’homme s’attachait à une affaire précise, autant Au fer rouge semble brasser tous les aspects les plus noirs de la mafia policière. Honnêtement, c’est salement glauque, poisseux, et même un tout petit peu déprimant. Mais pour être noir de chez noir, ce n’est pas manichéen !
Car les personnages changent tout : oui, au fil des pages, on finit même par s’attacher aux pires ordures. Un comble ! Marin Ledun croque ses protagonistes avec beaucoup de talent !
Mais le roman peut être surprenant. Ce n’est pas un thriller au sens classique : problème-enquête-résolution. Il y a problème et enquête, certes, mais pas vraiment de résolution. Car comment peut-on résoudre le problème de la machine d’Etat salement enrayée ? De plus, les personnages semblent s’attacher à ne pas suivre les cases préétablies dans lesquelles on aimerait les faire rentrer. Tel infâme trafiquant a donc des sentiments, ou tel flic pourri a des remords… C’est surprenant, mais cela renforce l’aspect férocement implacable de l’intrigue.
Celle-ci est complexe, voire touffue : il est parfois difficile de se repérer dans les multiples strates qui la composent. Imaginez un peu : terrorisme, lutte antiterrorisme, corruption, trafic de drogue, trafics d’influence, écologie… C’est extraordinairement dense et, parfois, on s’y perd un peu.
Au fer rouge est donc un excellent cru. Si vous aviez aimé L’Homme qui a vu l’homme, ne ratez pas ce titre. Il faut parfois s’accrocher car le propos est dur, c’est glauque, merveilleusement noir, et porté par une palette de personnages complexes et fouillés.
Le déroulement de l’affaire est un peu surprenant, mais la mécanique est bien rodée : le récit est documenté, précis, et l’auteur balade son lecteur avec une aisance confondante. Au fil des pages, on s’angoisse, on s’insurge, on déprime parfois devant l’ampleur des exactions, et on s’émerveille devant le talent à l’oeuvre.
Au fer rouge m’aura, au final, un tout petit moins passionnée que son précédent titre mais, une chose est sûre, j’attendrai le prochain roman de Marin Ledun avec impatience !
Un excellent crû que je gouterai avec plaisir 🙂
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Tu avais lu L’Homme qui a vu l’homme ?
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Je l’ajoute à ma très longue liste. Je n’avais pas lu « L’homme qui a vu l’homme », malgré le nombre d’article que j’avais lu à son sujet.
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Ha, dans ce cas, il vaudrait mieux commencer par L’Homme qui a vu l’homme, qui introduit parfaitement l’ami Javier Cruz 🙂
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J’ai « Zone est » de cet auteur dans ma PAL ! Je prends note de « L’Homme qui a vu l’homme » pour quand j’aurais envie d’un bon polar, merci 😉
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Maintenant que j’ai découvert ses œuvres « basques », je suis assez curieuse de découvrir ses autres titres !
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[…] d’abord, Au fer rouge, de Marin Ledun, que j’attendais avec beaucoup d’impatience… et qui m’a […]
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[…] romans noirs, thrillers. Une terre d’ombre, Ron Rash. La Fabrique de doute, Paolo Bacigalupi. Au fer rouge, Marin […]
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