Le Passeur, Lois Lowry.

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La vie de Jonas est réglée au millimètre, comme celle de la communauté. Il va à l’école, effectue ses heures de bénévolat, partage ses rêves au petit-déjeuner avec le reste de sa cellule familiale. Jonas est un onze-ans, ce qui signifie que son métier lui sera attribué à la prochaine cérémonie. Comme tout un chacun, Jonas attend que le Conseil lui attribue son métier, sa place dans la société, sa future conjointe et, plus tard, ses enfants. La communauté est tranquille : pas de chômage, pas de délits, pas de violence, pas de sentiments, pas de décès, juste des « élargissements ».
Mais le jour de la cérémonie, on attribue à Jonas un métier qui pourrait changer sa vision des choses… et le mettre en danger.

Le Passeur est un titre qui a fait date dans la littérature jeunesse ; alors qu’aujourd’hui le marché se déchire autour des dystopies, en 1993, Lois Lowry anticipait le mouvement… avec un texte qui reste très actuel !
On y découvre la communauté de Jonas, une communauté vraiment bien réglée, mais dépourvue de la moindre passion, qui engendre bien trop de danger. Et au départ, il est difficile de mettre le doigt sur ce qui cloche. Jonas vit sa vie, sans souci, sans problèmes. On en vient à se dire que cette société… fonctionne plutôt bien. Puis on commence à en découvrir les rouages, comme les cellules familiales qui sont constituées par décrets : les enfants naissent dans des pouponnières, et sont ensuite attribués aux familles qui en font la demande (un garçon, une fille par famille). Les anciens, les bébés non conformes, les – rares – criminels, sont exclus de la communauté au cours d’une cérémonie d’élargissement, et envoyés s’épanouir sous d’autres cieux. Les Sages surveillent tout un chacun et font des rappels à l’ordre à chaque manquement. Mais, surtout, cette vie n’a que peu de rapports avec celle que l’on connaît, tant il y manque des éléments d’importance. Pas d’animaux. Pas de mémoire collective. Pas de souvenirs. Pas de sentiments. C’est une communauté très aseptisée, et un peu trop lisse pour être réellement honnête. En somme, aucune inégalité, tout le monde étant soumis au régime de l’Identique.

Lois Lowry dévoile son art avec la description de la communauté. Il y a, dès le départ, un léger malaise qui s’instaure, sans que l’on sache exactement où se niche le problème. Bien sûr, cette société extrêmement lisse manque un peu d’originalité ou de vie, tout simplement. Et ce n’est que lorsque Jonas entame sa formation que l’on perçoit réellement le problème dans tous ses détails. Et c’est là que l’on perçoit à quel point la société totalitaire dans laquelle il vit est dangereuse.

La dystopie est donc à la mode, en ce moment. Le Passeur jette les bases du genre, car on y trouve tout ce qui fait une bonne dystopie : un régime totalitaire, des gens aveugles à ce qu’il se passe, un protagoniste qui se pose les bonnes questions… En peu de pages, Lois Lowry propose un roman aussi simple qu’efficace. Nul besoin d’un roman à l’action trépidante, d’un complot interplanétaire ou d’une romance sans profondeur ni intérêt pour faire une dystopie efficace : une leçon que Le Passeur démontre à merveille.

Le Passeur est donc une petite pépite du genre : un roman extrêmement efficace et bien mené, une véritable réussite dans un genre qui, aujourd’hui, fait fureur. Mieux, c’est un roman aussi actuel que s’il avait été écrit hier, et qui le sera probablement toujours dans quelques décennies. Le style est extrêmement accessible, sans que le roman soit simpliste, et les idées développées dans le cours du roman donnent matière à réfléchir. Et la suite directe, Le Fils, vient tout juste de sortir !

Le Quatuor #1, Le Passeur, Lois Lowry. Traduit de l’anglais par Frédérique Pressmann. Ecole des Loisirs, 1994, 288 p.
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19 commentaires sur “Le Passeur, Lois Lowry.

  1. lirado dit :

    Je partage totalement ton avis 😉 Cette dystopie est une des premières du genre et elle est très efficace. Personnellement je suis un peu restée sur ma faim, à la fin, car la conclusion est très ouverte mais j’ai adoré la manière dont Lowry décrit la Communauté et la formation de Dépositaire de la mémoire reçue par Jonas.

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  2. Radicale dit :

    Tu as lu Le fils ? J’ai été trèèèès déçue…
    Tu as lu Messager, et L’élue, de la même saga ?

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    • Sia dit :

      J’avais lu L’Élue quand j’étais au collège, il m’avait beaucoup plu (je m’en souviens encore). J’ai bien envie de lire les autres, quoique ta déception sur Le Fils me refroidisse un peu !

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  3. Je suis tout à fait d’accord : ce livre est une petite pépite ❤ ! A lire absolument !

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  4. Frankie dit :

    Je l’ai lu il y a deux ans et j’avais beaucoup aimé, il faudrait que je lise la suite.

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  5. stelphique dit :

    J’ai vraiment envie de le découvrir celui ci!!!!;)

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  6. Flora dit :

    Et comment je fais pour résister, moi ? C’est malin, je suis obligée de le lire, maintenant, avec cette belle chronique. 🙂 Avec l’adaptation ciné qui approche, j’en entends parler partout, alors c’est l’occasion ou jamais !

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  7. Cyril dit :

    je dois reconnaitre que ce fut une grande claque pour moi : un titre qui arrivait à reproduire l’effet 1984 sans le copier, avec une grande force narrative tout en sachant s’adresser à des ados…

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  8. Mypianocanta dit :

    Coup de cœur pour moi aussi … et c’est vrai que j’ai bien envie de lire d’autres livres de l’auteur, tout en craignant de ne pas retrouver ce qui m’a plus dans celui-ci et en particulier, cette construction qui distille les infos sur l’univers au compte-gouttes.

    En tout cas, jolie chronique 🙂

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  9. Je partage également ton avis mais je redoute un peu de lire la suite, pour moi, ça se termine très bien comme ça, je ne suis pas sûre de vouloir savoir ce qui se passe ensuite…

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