Dans le Grand Nord, c’est le printemps : le jour perpétuel succède à la longue nuit polaire. La lumière est obsédante, et les ombres ne vous lâchent plus. A Hammerfest, une petite ville de l’extrême nord de la Laponie, au bord de la mer de Barents, le futur Dubai Arctique, tout irait très bien s’il n’y avait pas des éleveurs de rennes et la transhumance. Autour du Détroit du Loup, passage obligatoire des rennes, des drames se nouent. Alors que les rennes traversent le détroit à la nage, un incident fâcheux coûte la vie à un jeune éleveur. Peu de temps après, le maire d’Hammerfest – farouche opposant aux rennes – trouve la mort près d’un rocher sacré, au même Détroit du Loup.
Et les morts étranges se succèdent, notamment dans le milieu des plongeurs de l’industrie pétrolière, ces nouveaux héros, flambeurs et trompe-la-mort, dont Nils Sormi, le plongeur sami, est le chef de file.
Klemet et Nina mènent l’enquête pour la police des rennes. Une enquête qui ne laissera pas Nina indemne…
J’avais furieusement apprécié Le Dernier lapon. J’attendais donc Le Détroit du loup avec une impatience grandissante… et c’est encore un coup de cœur !
Dans Le Détroit du loup, on retrouve Klemet et Nina, la patrouille P9 de la police des rennes. Cette fois, ce n’est plus la nuit polaire, mais la journée perpétuelle. Chaque chapitre s’ouvre sur les heures de lever et coucher du soleil : autant, dans le premier tome, l’obscurité permanente était oppressante, autant, ici, on sent combien cette luminosité permanente est fatigante. Si Klemet est content d’avoir retrouvé son ombre, Nina souffre de cette lumière permanente qui l’empêche de dormir. Le trouble de la jeune femme est extrêmement bien rendu, et permet d’entrapercevoir combien il est difficile d’accoutumer son corps à un changement de rythme si intense !
Avec la lumière vient l’époque de la transhumance, un moment important dans la vie d’un éleveur de rennes : on plonge à nouveau dans la culture sami, en explorant cette fois-ci la vie nomade des éleveurs, qui suivent leurs troupeaux. Et, bien entendu, les problèmes que cela peut engendrer avec la population sédentaire, et souvent réfractaire au nomadisme en général, aux samis en particulier. L’ambiance houleuse entre les différents bords est magnifiquement rendue : on perçoit avec acuité les malaises, non-dits, et autres tensions qui grèvent les relations entre samis et habitants du Grand Nord. D’autant que l’expansion pétrolière de la mer de Barents amène beaucoup d’étrangers, aux modes de vies incompatibles avec celui du peuple lapon… la place des lapons en Norvège est donc, une fois de plus, au centre des préoccupations.
L’enquête mêle préoccupations culturelles, magouilles politiques, et intérêts financiers : les trois milieux s’entrecroisent, et tissent une intrigue délicieusement complexe.
Tout cela ne serait pas grand-chose s’il n’y avait pas le style d’Olivier Truc ; le roman n’est pas construit comme le sont beaucoup de polars aujourd’hui : succession de scènes trépidantes, intrigue allant droit au but, et conclusion rapide. Ici, on est dans un roman des grands espaces, où chaque trajet peut prendre un temps infini. L’intrigue est construite à l’avenant : c’est petit à petit que l’on découvre les détails cruciaux, au fur et à mesure que se dévoilent les indices. C’est minutieux, complexe, incroyablement bien construit : c’est un polar à l’ambiance très forte, et qu’il est difficile de refermer une fois qu’on l’a commencé.
En somme, Le Détroit du loup est un excellent polar : l’ambiance est travaillée, l’intrigue minutieusement construite et complexe à souhait. La galerie de personnages est riche : on découvre l’histoire de Nina (alors que le volume précédent se consacrait plutôt à Klemet) et les personnages que l’on découvre dans ce volume-ci ne sont pas en reste (Sormi et Paulsen en tête).
Le roman permet également de mieux comprendre les problématiques de la Laponie actuelle : si l’auteur dénonce l’attitude des pays nordiques (tant du point de vue de la place laissée aux lapons que de l’expansion pétrolière), il le fait avec beaucoup de subtilité.
En bref, Olivier Truc n’a rien perdu du talent dont il faisait montre dans Le Dernier lapon : Le Détroit du loup est excellent à tous points de vue !
Le Détroit du loup, Olivier Truc. Métailié, septembre 2014, 410 p.
9,5/10
Eh bien, avec deux coups de coeur pour Truc (j’adore son nom !), il va vraiment falloir que je m’y intéresse. Je ne suis pas très polar, mais j’ai cru comprendre que la société a une place très importante, comme le climat et le pays, donc ça devrait compenser. Belle chronique en tout cas !
J’aimeJ’aime
Ouii, lance-toi !!! L’intrigue policière est importante, c’est clair, mais le reste l’est tout autant. En plus c’est hyper bien écrit. Et en plus on cherche jusqu’à la fin. Bref, c’est génial : lis-le !
J’aimeJ’aime
Rholalala ! j’espère qu’il va vite faire son apparition à la bibliothèque parce que ce que tu en dis donne furieusement envie.
J’aimeJ’aime
J’espère pour toi aussi ! J’étais tellement contente de retrouver Klemet et Nina !! (Et tellement contente que ce volume soit aussi bon que le précédent !!)
J’aimeJ’aime
[…] cordialement détesté cette lecture. Viennent ensuite la chronique du webcomic Jo, et celle du Détroit du Loup. Sans le panneau des statistiques, je vous aurai volontiers dit que c’était toujours la […]
J’aimeJ’aime
[…] en 2013 avec Le Dernier lapon, je me suis jetée sur Le Détroit du loup à l’été 2014. Depuis… j’attends une hypothétique troisième aventure de Nina […]
J’aimeJ’aime