Autrefois, elle s’appelait Adrienne Satti. Désormais, elle n’est plus que Widdershins. Orpheline très jeune, Adrienne a vécu dans la rue. Puis a connu le luxe extrêment de la haute noblesse. Avant de revenir aux ruelles sales et sombres dont elle avait réussi à s’échapper. Aujourd’hui, Widdershins est quasiment une légende de la pègre. Tellement légendaire qu’elle s’est créé beaucoup d’inimitiés. Encore plus de jalousies. Et à Davillon, la cité aux mille dieux (ou presque), il suffit d’un rien pour se retrouver au milieu d’un complot. Surtout lorsqu’il vise de sombres desseins.
Bienvenue dans le quotidien de Widdershins, l’aristocrate devenue voleuse, la femme qui connaît autant de façon de couper une bourse que de charmer ducs et barons !
Davillon city, Galice. Le royaume de Widdershins, qui exerce ses talents de chapardeuse avec brio, sous le regard des dieux tutélaires. En Galice, il y a un dieu protecteur pour chaque ville, chaque confrérie, chaque Maison. Tous ces dieux vivent en harmonie (ou presque), grâce au Pacte qui reconnaît la liberté de culte pour chacun, moyennant quelques petites restrictions : sacrifices humains, offrandes sanglantes et autres libations mystiques sont assez mal vues par l’Église qui chapeaute le tout. Toutefois, et malgré l’immense choix de divinités offert par ce fameux Pacte, l’Église conçoit qu’il existe quelques cultes secrets, consacrés à des dieux n’ayant pas eu la chance de faire partie du pack de départ : si les divinités pacifiques sont largement tolérées, les foudres de guerre, eux, le sont nettement moins. Quoi qu’il en soit, l’adage «Pour vivre heureux, vivons cachés» s’applique ici parfaitement. Une chose que Widdershins sait à la perfection : seule survivante d’un massacre sanglant visant toute une confrérie de nobles, elle est aussi la seule et unique adepte d’Olgun, un dieu nordique ancien et désormais plus très puissant… mais tout de même assez inquiétant pour avoir motivé ce terrible massacre.
Malgré un passé assez traumatique, Widdershins fait preuve d’une belle assurance ; son pragmatisme laisse rêveur, et ses piques caustiques tombent toujours à point. Dotée d’une ironie redoutable, c’est un personnage que l’on suit avec plaisir.
Le roman s’ouvre en fanfare avec un scène particulièrement marquante. Et, à partir de là, le mystère ne fait que s’épaissir. La narration explore tour à tour le présent et les époques antérieures, alternant les épisodes : si le procédé peut s’avérer un peu déroutant le temps de deux ou trois chapitres, on se fait assez vite à ces allers-retours constants qui entretiennent le suspens et construisent une trame complexe. Éclairant peu à peu une situation pour le moins emberlificotée, l’auteur distille un à un les indices nécessaires à la bonne compréhension. Les pièces du puzzle s’emboîtent doucement, ni trop vite, ni trop lentement : malgré quelques légères longueurs vers le milieu du roman, on lit donc Le Pacte de la voleuse avec un rythme très confortable. D’autant que l’intrigue ménage des accents appartenant tant à la fantasy qu’au thriller : complots, meurtres, mystère, le tout saupoudré de luttes intestines et d’un soupçon de religion. Rien à redire, tout cela est très bon !
La plume d’Ari Marmell est très directe et particulièrement efficace : sans utiliser d’effet de style particulier, l’auteur parvient à captiver le lecteur, en servant un récit mené de façon extrêmement efficace. L’intrigue de fond est assez classique, le personnage aussi, mais la façon dont le tout est narré fait qu’on a du mal à lâcher le roman. Notamment vers la fin, où la machine s’emballe : les révélations et rebondissements pleuvent, et c’est diablement prenant.
Le système religieux créé par l’auteur est très intéressant : on y reconnaît l’organisation ecclésiastique chrétienne dans le clergé. Moines, évêques, prêtres se côtoient. On reconnaît également, dans la toponymie ou dans les choix de noms des personnages, des noms typiquement européens (il y a tout de même un malfrat prénommé Jean-Luc… !). Là où cela change, c’est dans la profusion de dieux, et dans l’organisation des cultes suivant les Maisons, ou les cités à protéger. En utilisant une matière religieuse commune et bien connue, l’auteur crée un environnement particulier, qui se marie merveilleusement bien à son univers et à la fantasy, tout en offrant un terreau propice à une intrigue bien menée.
En somme, ce premier volume de la série Widdershins propose quelques très bons ingrédients : un univers à la fois original et agréablement normal s’appuyant sur des références réelles biens connues, un personnage n’ayant pas sa langue dans sa poche et qu’on suit avec plaisir, une intrigue fort mystérieuse et bien menée. La plume est très directe, et la construction non-linéaire permet d’entretenir le suspens tout en construisant la trame complexe nécessaire à la bonne installation de l’intrigue. Sans être un coup de cœur, Le Pacte de la voleuse est de ces titres que je relirai volontiers, et avec plaisir ! C’est un premier tome sobre, classique par certains points et très original par d’autres, et surtout très efficace : hormis la suite, que demander de plus ?
◊ Dans la même série : Le Pacte du mensonge (2) ;
Widdershins #1, Le Pacte de la voleuse, Ari Marmell. Lumen, 2014, 411 p.
8,5 /10
Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être :
Je viens de terminer mon billet alors je fais le tour des autres pour voir les avis ^^ Et que tu en parles bien ! J’aurais voulu être si complète. Et je te rejoins tout à fait : classique par certains aspects mais très original par d’autres ! Puis j’ai littéralement craqué pour Ogun ^^ Cajou
J’aimeJ’aime
Ah, moi aussi! J’ai adoré ce personnage et son caractère !
J’aimeJ’aime
Je découvre ta chronique car je ne voulais pas être influencée avant de poster la mienne, héhé ! Une très belle chronique, qui cerne bien les points saillants du roman. Il est vrai qu’il a quelques petites faiblesses, mais je pense qu’elles seront gommées dans le deuxième volume, une fois l’univers bien installé. En tout cas, c’est un roman redoutablement efficace, j’en sors enchantée ! Comme toi, c’est un livre que je relirai avec grand plaisir, et il me tarde de découvrir la suite. 🙂
J’aimeJ’aime
Moi non plus je ne lis pas de chroniques avant 1) d’avoir fini le livre (pas de spoiler comme ça) et 2) avant d’avoir publié la mienne ! En le démarrant j’avais peur de tomber sur un roman trop jeunesse donc trop facile, ou bien sur quelque chose de moins palpitant donc j’ai vraiment été très agréablement surprise. Et c’est tellement efficace qu’on en redemande !
J’aimeJ’aime
[…] froid aux yeux malgré un sévère manque de confiance en elle qui, par bien des aspects, rappelle Widdershins. Autour d’elle gravitent quelques personnages secondaires bien campés : entre les rebelles […]
J’aimeJ’aime