
Tout a changé dans l’Éternéant. Mary est impuissante ; Allie-la-sans-Caste a été capturée par les Illumières et les corpsbrioleurs de Mary et attachée en guise de figure de proue sur leur train fantomatique faisant route vers l’Ouest, selon les volontés de Mary. Mais ces troupes ne sont pas les seules de l’Éternéant. Il y a cet étrange roi maya dont Jix, l’émissaire, corpsbriole les grands félins. Il y a aussi l’armée des Fluos, dont l’agressivité est sans égale.
Et puis, bien sûr, il y a l’Ogre en chocolat. Sans parler du terrible spectre balafré.
Voilà ce qu’on appelle une fin en beauté. Les deux premiers tomes de la Trilogie des Illumières étaient très bons, ce dernier est tout simplement excellent : on y retrouve tout ce qui avait fait le charme du début de la série, et ce volume tient toutes les promesses du second tome.
On retrouve les personnages qu’on avait quittés : Mikey, Allie, Nick, sont plus touchants que jamais. Mary, de son côté, reste (malheureusement) fidèle à elle-même. Les nouveaux personnages (Jix en tête) sont intéressants à découvrir, et mettent en lumière de nouveaux aspects de l’univers. De plus, Shusterman fait tourner ses personnages : ce ne sont pas toujours les mêmes qui tiennent la tête d’affiche, et c’est vraiment bien. Non seulement cela éclaire sur l’avenir de tel ou tel personnage qu’on avait perdu de vue, mais cela permet en plus de donner une meilleure vision des éléments, tout en entretenant un bon suspens : le procédé est parfait, et met aussi bien en valeur protagonistes et opposants. Mais ce qu’il y a de bien avec Shusterman, c’est que même les personnages les plus détestables peuvent avoir des bons côtés, bien développés ; c’est le cas de Milos, par exemple : aussi désagréable soit-il, ses diverses mésaventures rendent le personnage très touchant. Tout cela forme d’intéressantes réflexions sur les notions de bien et de mal, de bien commun, ou de raison du plus fort. Comme dans sa série Les Fragmentés, l’histoire n’est pas gratuite : Neal Shusterman parsème ses aventures de dilemmes quasi-cornéliens aboutissant à des choix (pas toujours déchirants), de réflexions philosophiques, et de cheminements de pensées à méditer. Ce qui fait que, à l’instar des autres, ce roman est certes divertissant, mais comporte en plus un fond de réflexion passionnant. Rien que pour ça, ça le rend difficile à lâcher.
Il faut également compter sur le récit très maîtrisé : le rythme est soutenu, le suspens présent et, lorsque l’on pense que la situation est réglée, ou que la tension tend à retomber, l’auteur place habilement un effet d’annonce ou une subtile relance des événements : c’est tout bonnement infernal, au sens où le lecteur n’a pas une minute de répit. On s’angoisse, on se triture le cerveau, on se pose des questions existentielles et, pire que tout, on veut savoir comment cela va se finir.
Cette fin, justement, est tout simplement parfaite : pas de happy end à la Disney, pas de conclusion déchirante digne d’une pièce romantique, mais un juste milieu qui, par certains aspects, laisse le lecteur avec le cœur gros, alors que par d’autres il le comble de félicité. Du grand art, on vous dit.
D’autant que l’auteur continue d’étoffer son univers, déjà bien entamé dans les deux premiers tomes : caractéristiques physiques, légendes urbaines, créatures, fonctionnement, on en apprend plus sur quasiment tous les points, ce qui donne l’impression que l’on connaît l’Éternéant du mieux possible – tout en imaginant bien qu’il peut encore nous réserver des découvertes.
La Cité des âmes est donc une conclusion à la hauteur du début de la série, et une fin magnifique. Le style est vif, c’est prenant, palpitant, et c’est avec beaucoup de regrets que l’on quitte cet univers onirique et poétique. L’auteur a su conserver l’originalité et les découvertes jusqu’au bout, et ses personnages ont su évoluer tout en restant fidèles à leurs convictions. L’intrigue achève de se déployer, et se révèle dans toute son ampleur : ce dernier opus est tout simplement époustouflant ; comme le volume précédent, c’est un gros coup de cœur, et c’est avec une légère tristesse que j’ai quitté cet incroyable univers. Alors si vous cherchez une lecture palpitante, portée par des personnages intelligents et bien construits, dans un univers original, le tout parsemé d’un soupçon de fantaisie et de poésie, arrêtez-vous là : les Illumières sont faits pour vous !
◊ Dans la même série : [L’Éternéant] (1).
Le Voyage des âmes perdues (2).
La Trilogie des Illumières #3, La Cité des âmes, Neal Shusterman. Editions du Masque (MsK), janvier 2014, 506 p.
9,5 / 10.
Je ne me suis pas encore penchée sur cette trilogie. Je pense que je vais franchir le cap
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Excellente idée ! J’adore vraiment cette trilogie, c’est une histoire fantastique, et hyper bien narrée. J’arrive même pas à décider si je préfère les Illumières ou Les Fragmentés !
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[…] : L’Océan au bout du chemin, Neil Gaiman. La Cité des âmes, Neal Shusterman. La série (roman) Les Enfants d’Evernight, Mel […]
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