La Geste du sixième royaume, Adrien Tomas.

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Cinq nations humaines, turbulentes, en mauvais terme, souvent en guerre. Au cœur des terres, le sixième royaume : la Grande forêt légendaire, impénétrable et abritant, pour certains, les créatures des contes de fées, celles qui peuplent tous les contes, depuis les maisons de Sélénir aux yourtes des nomades de Khara.
Mais les nations humaines mettent leurs différends de côté et s’unissent contre les supposés monstrent qui peuplent les bois. Six personnages, aux antipodes les uns des autres, se découvrent alors les protecteurs du Sixième royaume : lutte sans merci, conflit généralisé, complots, trahisons, rien ne leur sera épargné.

 

La Geste du sixième royaume est le premier roman d’Adrien Tomas; petit pavé, il n’en est pas moins très abouti et extrêmement digeste. L’histoire tourne autour d’une idée pour le moins originale : toutes les créatures légendaires des contes de fées de cet univers vivent à l’abri de la Grande Forêt, au centre du pays, à l’abri de ses frondaisons – mais pas de l’ambition humaine, malheureusement.
Point de créatures exotiques ici, si ce n’est les classiques des contes : les sylphides côtoient dragons, dryades, elfes, hommes-loups, et autres êtres de légende. Là où cela devient malin, c’est qu’Adrien Tomas détourne allègrement tous ces clichés : les sylphides sont loin de l’apparence gracieuse véhiculée par les danseuses de ballet ; les elfes, très éloignés de l’image qu’en a donnée Le Seigneur des Anneaux. Sans parler des dragons! Et tout est à l’avenant. Utilisant la matière mythique, féérique, Adrien Tomas crée son propre univers, avec ses codes et ses réalités, et cela fonctionne vraiment bien.

Là-dedans, on découvre donc ses personnages : une antique sorcière déchue, un jeune voleur assoiffé de vengeance, un nain commerçant-combattant, un homme-loup isolé, un barde au joli minois, et leurs homologues du camp adverse. Côté personnages, on reste donc dans des classiques de la fantasy. Mais, comme pour les créatures magique, Adrien Tomas joue de la matière : chaque personnage, chaque classe, est minutieusement pensé, fourmille de détails, et s’avère aussi délicieusement complexe que travaillé ; en bref, on ne se balade pas dans un univers « décor de cinéma », que l’on sent vide en-dessous, mais dans un vrai monde, aussi riche que vaste, dont on sent qu’on n’a pas encore exploré tous les détails (peut-être dans La Maison des mages, le second tome ?). En choisissant, en plus, de mettre en scène des peuples ressemblant à ceux de la planète Terre, tout en les modelant afin qu’ils collent à son univers, Adrien Tomas rend le tout extrêmement réaliste (pour un univers de fantasy, ce qui est très fort). Difficile, en effet, de ne pas voir dans les troupes de Qaheb une représentation de l’Afrique noire, dans les spahis de Fasahi celle des bédouins, ou dans les barbares nomades de Khara, des habitants des steppes. Du coup, l’univers nous semble à la fois familier, et juste assez dépaysant pour titiller la curiosité.
Certains personnages souffrent d’aspects quelque peu stéréotypés (notamment Corius et Moineau), et tous ne sont pas aussi travaillés que les têtes d’affiche (Llir et Maev), mais la variété et la profusion des caractères fait que l’on passe rapidement outre. Cette profusion est d’ailleurs à souligner : La Geste du sixième royaume fonctionne avec beaucoup, beaucoup de personnages principaux mais, n’ayez aucune crainte, passés les premiers chapitres (et la crainte, bien naturelle, de s’emmêler les pinceaux), on se retrouve assez vite, chaque personnage étant facile à différencier de ses congénères.
De toutes ces inventions, je retiendrai tout particulièrement les Etoiles Grises (les sorcières du sang), le couvent des Masques (une guilde d’assassins surdoués), les Meutes d’hommes-loups ou, mieux, l’ordre des Chroniqueurs, qui est une idée tout simplement géniale.

L’intrigue, elle aussi, s’avère assez classique puisque, pour résumer (très) rapidement, la lutte sans merci entre les royaumes oppose finalement la Nature et le Progrès, la première représentant également tout ce qui a trait aux rêves, à la magie et à l’héroïsme, le second la technique, le pragmatisme et l’individualisme : la distorsion du classique Bien/Mal est vraiment intéressante, et colle tout à fait à l’univers. S’enchaînent donc batailles et complots endiablés, sous l’œil bienveillant (mais pas toujours) de divinités séculaires propres à chaque pays et chacune voyant – évidemment – midi à sa porte. En plus d’être assez originale dans la façon dont elle est organisée (imaginez une partie de Risk cosmique, avec les humains et créatures féériques en guise de bataillons), l’intrigue offre un message écologique sous-jacent agréablement véhiculé. À ce stade, il devient difficile d’en demander plus ! Le style, simple et efficace, rend le tout vraiment prenant – malgré quelques longueurs – et on passe vraiment un très bon moment de lecture avec ce premier roman.

Si La Geste du sixième royaume ne révolutionne pas la fantasy épique, on a là un premier roman vraiment efficace, riche, complexe et bien écrit. Malgré quelques longueurs, suspens et rythme sont maintenus de bout en bout, ce dernier atteignant une cadence effrénée sur la fin, qui embarque très efficacement un lecteur envoûté. La trame reste classique, mais l’auteur en joue allègrement, et détourne suffisamment clichés et figures pour faire de La Geste un roman original et vraiment très plaisant à lire. La galerie de personnages est époustouflante et, même si certains ont droit à moins d’égards que d’autres du point de vue de la complexité, on s’attache aisément à leurs aventures. En somme, voilà un roman aussi ambitieux qu’efficace, prenant, et qui mérite amplement la palme du premier coup de cœur de l’année !

Les Six Royaumes #1, La Geste du sixième royaume, Adrien Tomas.Mnémos (Hélios), 2013 (1ère édition 2011), 704 p.
8,5 /10. 

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Lecture Masse Critique : que Babelio et les éditions Mnémos soient remerciés !

 

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9 commentaires sur “La Geste du sixième royaume, Adrien Tomas.

  1. Sylly dit :

    Difficile de ne pas être emballé et de ne pas avoir envie de découvrir ce livre après une chronique si enthousiaste 🙂 Ce roman semble plutôt original et je suis intriguée par cette nouvelle dimension donnée à toutes ces créatures mythiques 🙂 Je le rajoute à ma liste d’envie ^^

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    • Sia dit :

      Yes ! C’est vraiment un point que j’ai littéralement adoré (ça et le traitement de l’Histoire, qui est tout simplement génial), et ça change des clichés du genre. En plus, c’est bien écrit, très prenant, et ça se lit comme un one-shot alors franchement, que demande le peuple 🙂 ?

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  2. Adrien Tomas dit :

    Bonjour, J’ai pris l’habitude de laisser un mot aux chroniqueurs de mes livres, merci beaucoup pour cette critique enthousiaste! Je me suis permis de la partager sur ma page Facebook. Bonnes lectures!

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  3. […] lire aussi les avis de  : Blackwolf – Encres et Calames – […]

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  4. […] eu l’honneur d’être mon premier coup de cœur 2014 avec La Geste du sixième royaume, un roman de fantasy très dense, mais très réussi. Le projet est ambitieux et m’a beaucoup […]

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