Âmes de verre, Le Sidh #1, Anthelme Hauchecorne.

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Lille est tout sauf une ville sûre, surtout pour les Éveillés. Les Streums issus du Sidh rôdent, et ne rêvent que d’âmes à briser, de corps à torturer. Or, les Éveillés, avec leur capacité à voir et à contrecarrer les créatures féériques, sont les premiers à monter au front. 
Surtout depuis qu’un mystérieux et surnaturel tueur en série écume la ville, semant cadavres et sable noir, dans sa quête d’une funeste partition. Heureusement, les Éveillés de la Vigie veillent au grain. Enfin, peut-être… 

Comment résumer Âmes de verre en quelques mots ? Baroque, original, trash, déjanté. Voilà qui donne une première accroche.
Avec Âmes de verre, on découvre un monde insoupçonné et – quasiment – insoupçonnable : celui du Sidh. Dans les profondeurs chthoniennes, de dangereuses créatures rôdent. Exit les fées bleues trop choupi des contes édulcorés de notre enfance, et bienvenue dans l’univers des Croquemitaines aux dents longues. Face à eux : des Éveillés qui n’ont pas froid aux yeux, ceux de la Vigie Lille-FiCaBa – gigantesque friche industrielle aux airs de squat. Marginaux, étranges, féroces, les Vigies sont des durs à cuire, âpres au mal, peu soucieux des apparences, et surtout acharnés contre les créatures peuplant le Sidh et l’En-deçà : les Dædalos ou Streums (le verlan de monstres).

Dès le début, on plonge dans un roman choral : aux côtés de l’intrigue proprement dite, on trouve des extraits du Codex Metropolis, sorte de Bible des chasseurs de Streums aidant à l’appréhension de cet univers complexe, rédigé par les fondateurs de la Vigie, dont les idées ne sont pas toujours en adéquation les unes avec les autres : il va des ninjas du surnaturel comme partout ailleurs, le point de vue unique n’existe pas. Et c’est ce qui fait la richesse du roman, car les Éveillés sont loin, très loin d’être une caste unie envers et contre tout et les bisbilles entres les différents bords sont légion.
Les quelques premières pages sont riches d’enseignement : les factions sont rapidement présentées, les opposants, aussi, il ne reste qu’à se couler dans l’histoire pour en découvrir le fil conducteur. D’autant que, dans cette intro, vous êtes le personnage, c’est votre premier jour, et on vous fait visiter la Vigie… présentation diablement efficace.

Jouant allègrement avec les codes des genres, Anthelme Hauchecorne, en peu de pages, nous propulse dans un univers jouant sur le fantastique, la fantasy urbaine et le thriller très noir.  À l’intrigue purement fantastique se mêle une enquête aux enjeux colossaux et dont les tenants et aboutissants ne nous sont révélés que peu à peu.
On suit les pérégrinations de Camille, jeune gothique apprentie Chasseuse de la Vigie, et celles de Vincent, vénérable professeur de de l’Éducation nationale, aux passe-temps pour le moins…atypiques. Les personnages (principaux et secondaires) s’avèrent agréablement fouillés et très humains : malgré leurs indéniables qualités, aucun n’est infaillible (certains sont carrément bornés) et cet aspect-là de la situation est particulièrement bien exploité -et, accessoirement, laisse présager de très intéressants développements dans la suite.
Alternant les points de vue et évolutions de chacun, l’auteur offre un récit dynamique, parfois cassé par les extraits du Codex mais qui, dans l’ensemble, sait conserver son rythme. Les éléments d’intrigue sont avancés au goutte-à-goutte : on cherche, on s’interroge, on est dans la même situation d’expectative que les personnages. Le suspens est bien présent : l’univers est extrêmement sombre, on ne sait pas exactement dans quel bazar on évolue, mais on sait que c’est glauque à souhait.
Tout du long, le ton est assez décalé, Anthelme Hauchecorne usant d’un style raffiné, voire poétique, pour évoquer des événements ou personnages plutôt cradingues ; le mélange est détonnant, explosif, même, mais c’est ce qui fait tout le sel et le piquant d’Âmes de verre, même si l’auteur s’emporte de temps en temps et tombe quelque peu dans la surenchère. D’Âmes de verre, on dira volontiers qu’il n’est pas recommandé aux âmes sensibles : le fond est glauque, certes, et certains passages sont assez terrifiants. Néanmoins, le roman s’engloutit presque tout seul tant il est bien écrit et prenant! Jouant sur la peur (bien naturelle) du monstre, l’auteur brode autour des légendes folkloriques et des légendes urbaines. Une chose est sûre : après avoir refermé ce titre, vous cesserez de pester contre le voisin qui a des hallucinations pour vous demander… s’il n’est pas un Éveillé qui s’ignore!

Âmes de verre, en somme, marque par son univers original mais sombre, glauque et désespéré, sa galerie de personnages travaillés, et son intrigue fouillée. Le style précis et élégant de l’auteur, en décalage avec ce qu’il narre, rend le texte aussi savoureux qu’entraînant. Malgré quelques petits bémols de narration, qui s’effacent bien vite au vu de la qualité d’ensemble, on dévore le pavé (car c’est est un) sans sourciller, et avec beaucoup d’enthousiasme. Déroutant, étonnant, envoûtant, Âmes de verre explore avec finesse et originalité le versant obscur des légendes et de l’âme humaine : lecture décoiffante au programme. Prenant, nerveux, trash à souhait et merveilleusement déjanté, Âmes de verre est une belle réussite, à côté de laquelle il serait fort dommage de passer.

 

Le Sidh #1, Âmes de verre, Anthelme Hauchecorne. Midgard, 2013, 651 p.
8,5 / 10

 

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16 commentaires sur “Âmes de verre, Le Sidh #1, Anthelme Hauchecorne.

  1. Flora dit :

    Ciel, la couverture fait froid dans le dos ! Et le contenu semble aussi effrayant… Mon petit coeur va s’abstenir, je crois, mais belle chronique !

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  2. solessor dit :

    Les quelques rares lignes que j’ai pu lire de cet auteur m’ont laissé entrevoir un style et un vocabulaire particulièrement riches. Restait plus qu’à me convaincre avec l’histoire, ce que tu viens de faire… Je signe où ?

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  3. Escrocgriffe dit :

    L’univers a l’air bien barré ! Je suis intrigué…

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  4. paikanne dit :

    Je souscris pleinement à ton billet 🙂

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  5. Guenièvre dit :

    Il était déjà dans ma wish list… Tu viens de confirmer qu’il y a bien sa place, merci! ^^

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  6. licorne dit :

    Tu m’intrigues ! J’ai tourné et retourné ce livre sur un des stands aux utopiales … Je regrette un peu de ne pas l’avoir pris… Ca me fait penser à la cité noire de Thomas john ! Tu connais ?

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  7. Licorne dit :

    Je pense, je te mets ma chronique, si ca te tente. Belle soirée Sia ! http://fanfanlatulipe85.blogspot.fr/2013/01/la-cite-noire-thomas-john.html

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  8. Licorne dit :

    Si, si … Il devrait te plaire ! c’est le porte monnaie qui va être moins content ! merci de ton passage sur l’article ! 

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