Ayesha, la légende du peuple turquoise, Ange.

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Dans les royaumes orientaux de Tanjor, le peuple turquoise est réduit en esclavage depuis des millénaires. Mais il chérit une légende qui lui donnera un jour le courage, l’étincelle qui lui manquent pour se révolter : la légende d’Ayesha, la déesse qui commandera aux étoiles et rendra la liberté à ses enfants condamnés. Marikani, la reine déchue et pourchassée, est-elle l’incarnation d’Ayesha ? Est-elle celle qui doit allumer le feu de la révolte et devenir la guide de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, jetés sur les routes en quête d’un refuge, à travers le chaos et la guerre ? Ceci est l’histoire dune femme indomptable, de ceux qui l’ont aimée et de ceux qui l’ont trahie.
C’est l’histoire d’une révolution.

À l’instar de la couverture, la trilogie d’Ayesha peut être résumée par cette image du couteau, qui ouvre et clôt l’histoire. Un couteau qui prend la vie, ou qui la rend. Un couteau qui, comme les personnages de cette épopée, a deux facettes.

Dans les royaumes de Tanjor, chacun sait où est sa place. Les hommes libres, bruns, à la peau dorée, tiennent toutes les positions, de maître d’hôtel à roi ou reine. Les esclaves, pâles, blonds aux yeux bleus, sont des esclaves « de droit divin », enchaînés en raison de la position particulière d’une étoile bleue – censée représenter ce peuple turquoise – au sein d’une constellation. Trois mille ans après l’arrivée de ces hommes pâles, ses représentants sont toujours enchaînés, et la situation n’est pas prête de changer. Pourtant, les esclaves vénèrent en secret Ayesha, la fille du dieu sans nom, celle qui, un jour, les libérera de leur joug et les conduira vers un avenir meilleur. Cette croyance, cet espoir, est une sorte de toile de fond à cette épopée romanesque, portée par quelques forts caractères.

Arekh, tout d’abord. Jeune homme sans scrupules, au passé et aux pensées douteux, peu recommandables. Bourré de préjugés, il agit avant de réfléchir et tient des propos qui feront bondir pas mal de lecteurs. Et pourtant. Au fil des pages, on assiste à sa lente transformation. L’espion, l’assassin, penche plus du côté du stratège, et n’hésite pas à mettre ses camarades devant leurs contradictions. Au fur et à mesure, il mûrit, s’amende, et ses opinions tranchées du départ se nuancent peu à peu. Complexe, c’est un personnage auquel il est initialement difficile de s’attacher, mais pour lequel on tremble souvent.

A ses côtés, Marikani, l’autre pilier du récit ; reine d’Harabec, un royaume du Sud, la jeune femme traquée et pourchassée par tout un tas d’ennemis. Il est intéressant de constater qu’elle évolue à l’inverse d’Arekh. Plus le jeune homme mûrit, plus elle devient froide et inaccessible, s’éloignant de plus en plus d’Arekh, alors que leurs destins semblent indissociables, tant ils se sont sauvés l’un l’autre. Tous les autres personnages évoluant autour d’eux connaîtront eux aussi des évolutions, parfois bonnes, d’autres fois non. Le plus intéressant et le plus remarquable, est que ces évolutions semblent toujours justes, parfaitement naturelles. Mais tous, sans exception, portent en eux plusieurs facettes, que l’on découvre tour à tour. Bien construits, vraisemblables et, au fond, très humains, les personnages portent parfaitement cette trilogie.

Le récit, quant à lui, est rédigé dans un style aussi vif que fluide. Alternant parfaitement descriptions et scènes d’action, les auteurs gèrent à la perfection le récit, le suspens, et le développement. Le style évolue suivant les scènes : les phrases raccourcissent dans les scènes trépidantes, le style se fait de plus en plus haché, ou lapidaire, suivant les états d’âmes des personnages. Les descriptions, posées, chaleureuses et agréables, succèdent aux violentes scènes de bataille. L’horreur est rarement présente. Suggérée, sous-entendue, perçue à demi-mots, elle marque pourtant d’autant plus l’esprit. Les auteurs s’y entendent parfaitement pour adapter leur plume au contexte, et donnent d’autant plus de force à leurs propos. Seul petit bémol, qui tient uniquement à l’édition : il manque un certain nombres de lettres ou de mots par endroits, ce qui gêne quelque peu la lecture. Heureusement, le fond rattrape habilement la forme et parvient à de nouveau happer le lecteur en quelques lignes. En suivant les pérégrinations des personnages, on découvre les différents royaumes et surtout leurs différents milieux. Rien n’est laissé de côté, et les descriptions sont si naturelles et intégrées au récit, que jamais le lecteur ne se sent lassé. L’épopée, quant à elle est variée : il y a des intrigues de cours, bien sûr, des complots, des batailles, des scènes de traque et de fuite désespérées, mais aussi quelques idylles qui se nouent, et des scènes heureuses. Quoi qu’il en soit, les émotions ne sont jamais loin et certaines scènes prennent littéralement à la gorge.

Mais tout ça n’est pas gratuit, bien sûr. Car en filigrane se nouent les questions de l’esclavagisme,  et du fanatisme religieux et du poids des préjugés. En essayant de sauver le peuple turquoise, Marikani opère des choix dangereux et s’attire un bon nombre d’inimitiés, tant les usages sont enracinés dans la vie courante. Personne ne comprend. Si Marikani prend fait et cause pour ce peuple disgracié, c’est qu’elle aussi est maudite : le raisonnement est simple, et a souvent été appliqué. N’allez cependant pas croire que la trilogie est pleine de bons sentiments et s’achève sur une morale guimauve. Loin de là.
La fin transcende le tout. Et même si l’on reste abasourdi, muet de stupeur et rageant devant cet incroyable dénouement, on ne peut que s’incliner devant le coup de maître des auteurs, et accepter la seule fin acceptable.

J’ai mis longtemps à venir à cette trilogie, mais Ayesha, en plus d’un grand coup de cœur, restera pour moi une des plus belles réussites de la fantasy française, tant par les thèmes qu’elle traite que par la façon dont elle a été tournée.

 

Ayesha, la légende du peuple turquoise / Les Trois Lunes de Tanjor (intégrale), Ange. Bragelonne, 2010 (1ère édition 2005), 623 p.
9/10.

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6 commentaires sur “Ayesha, la légende du peuple turquoise, Ange.

  1. BlackWolf dit :

    J’ai adoré ce cycle qui se révèle vraiment passionnant, intelligent et efficace. Content qu’il t’ait plu aussi.

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  2. Solessor dit :

    Ok, ok… Titepousse et toi m’avez convaincue ! Je m’y mets quand j’aurai la liseuse… Bientôt !!! Très belle chronique… 😉

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  3. Franchement tu resumes tout ce que j’ai ressenti, une lecture choc!! Vivement une lecture commune avec ce livre si ca te tente un de ces quatres 😉 franchement une reussite c’est le mot! Jamais je n’ai autant ete secoue par un livre 😮
    Voyageurgalactique95

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