L’Antilégende, Fabien Clavel.

 

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Don Juan est accusé de meurtre ! Une à une, les femmes qu’il a séduites sont retrouvées mortes, le cœur arraché, et une étrange escouade de spadassins noirs est lancée à ses trousses. Le séducteur légendaire clame son innocence… Mais que s’est-il passé entre le moment où la statue du Commandeur l’a entraîné aux enfers et sa réapparition à Séville ? Il n’en conserve pas le moindre souvenir. Pire encore, il ne parvient même pas à se remémorer l’identité de ses conquêtes passées… Accompagné de son valet et de la blonde et sulfureuse Manon Lescaut, il part à la recherche de la clé du mystère à travers une Europe étrangement transformée. Mais un inquiétant personnage au masque de fer semble l’avoir devancé…

Je sais qu’il y a peu de temps, j’ai dit à quel point Don Juan m’était insupportable. Mais lorsque j’ai repéré ce livre dans ma librairie et ai lu les premiers mots du résumé, je n’ai pas hésité plus d’une demi-seconde. Un roman mettant en scène Don Juan comme protagoniste, avec d’autres personnages issus d’œuvres classiques ? Le rêve !

Et c’est bien à ça que ressemble l’œuvre de Fabien Clavel : un rêve, peut-être échappé de l’imagination des Auteurs ou, pourquoi pas, de celle des lecteurs. Dans l’Index, vous pouvez aussi bien croiser Don Juan, Sganarelle et Manon Lescaut devisant gaiement, que Milady, le Masque de Fer ou Descartes, se penchant sur d’obscures questions métaphysiques. L’Index est un monde étrange, où le temps et l’espace s’avèrent denses, malléables, presque aléatoires. On saute d’un lieu à l’autre, d’une époque à une autre, opérant un vaste balayage des XVIIe et XVIIIe siècle. Mais tout ça n’est pas gratuit, non : la balade se fait sur fond d’enquête aventureuse, à la recherche de celui qui décime sans coup férir les anciennes conquêtes de Don Juan.
Le roman présente un panorama complet des conceptions du libertinage, suivant les différents personnages. De Don Juan à Valmont, en passant par Manon Lescaut et Durcet, les abysses se creusent et les points de vue s’affrontent. Si le fonctionnement de l’Index peut sembler parfois un peu confus – à la manière des rêves dont il s’inspire – on suit avec passion le vagabondage des personnages, au travers d’une Europe (pleine de bruit et de fureur) en proie aux tensions, se demandant fréquemment quel nouveau personnage ils rencontreront.
Il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’avoir lu toutes les œuvres convoquées pour bien comprendre l’ensemble de l’intrigue (sauf si, bien sûr, vous souhaitez traquer les citations habilement glissées dans le texte) : le fil se déroule, les clins d’œil se suivent et le lecteur se laisse rapidement bercer par le rythme effréné de l’action.

Par ailleurs, la plume de Fabien Clavel n’a rien à envier à ses illustres prédécesseurs : tour à tour vibrante, dynamique, poétique ou pleine de gouaille, elle est à la fois facile et agréable à lire. C’est un vrai plaisir pour les yeux (malgré quelques coquilles dans le texte), et l’auteur sait parfaitement donner une seconde vie à ces personnages connus comme autant de types littéraires. Sous sa direction, on découvre un nouveau Don Juan, une nouvelle Manon, et même Sganarelle a droit à son heure de gloire : c’est vivant, souvent drôle, et bien construit. L’intrigue s’agrémente, en plus, d’une réflexion sur le devenir des personnages et la genèse des œuvres littéraires, sans que cela ne plombe le récit ou l’alourdisse. Vous l’aurez compris, L’Antilégende est un roman tout en références et finesse, à lire que vous ayez aimé (ou non) les classiques français et étrangers. Porté par un style emballant, ce roman ravira les lecteurs férus d’originalité, d’aventures glorieuses et amateurs de bons mots.

 L’Antilégende, Fabien Clavel.  Mnémos, 2005, 383 p.
9/10.

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De Cape et de Crocs, l’autre excellent titre qui joue sur les classiques !

6 commentaires sur “L’Antilégende, Fabien Clavel.

  1. minouche dit :

    ton résumé et ta criqtique me donnent furieusement envie de le lire !!!!!!

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  2. licorne dit :

    Tu m’as convaincu Sia, il est dans la liste de mes futurs (très proches) achats. Je ne connais pas Fabien Clavel, raison de plus pour essayer la plume de cet auteur français !

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  3. Sita dit :

    Du coup c’est toi qui me donne envie de lire Clavel à ton tour. L’atmosphère a l’air vraiment chouette, et s’il n’y a pas tout à fait besoin d’être incollable en classiques pour l’apprécier, je signe ! Dans une moindre mesure, ça me fait penser à la bd « Hôtel Particulier » de Guillaume Sorel, où un homme est capable de faire sortir des personnages de leurs ouvrages et qui contient quelques scènes où plusieurs personnages discutent entre eux.

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    • Sia dit :

      J’ai vraiment apprécié qu’on ne soit pas obligé d’être incollable pour comprendre l’histoire. Il y a plein de références que j’ai cherchées par la suite (parce que je n’avais pas tout lu) mais on profite de l’histoire tout de même. Merci pour la suggestion BD, j’aime beaucoup quand les auteurs jouent sur les statuts des personnages !

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