Des fleurs pour Algernon, Daniel Keyes.

 

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Algernon est une souris de laboratoire dont le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler l’intelligence. Enhardis par cette réussite, les deux savants tentent alors, avec l’assistance de la psychologue Alice Kinnian, d’appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d’esprit employé dans une boulangerie. C’est bientôt l’extraordinaire éveil de l’intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu, et l’amour qui naît entre Alice et lui achève de le métamorphoser. Mais un jours les facultés supérieures d’Algernon déclinent. Commence alors pour Charlie le drame atroce d’un homme qui, en pleine conscience, se sent retourner à l’état de bête…

Des fleurs pour Algernon est un roman qui a fait date dans l’histoire de la science-fiction. Loin des uchronies, des space opera, et des guerres intergalactiques, Daniel Keyes propose un roman de science-fiction plus psychologique, si l’on peut dire. Et c’est un roman qui prend aux tripes. On y suit l’histoire de Charlie, jeune homme d’une trentaine d’années, arriéré mental, mais animé d’une insatiable soif de connaissances et d’apprentissage.
En raison de cette volonté d’apprendre, l’équipe d’un laboratoire lui propose de participer à une expérience révolutionnaire, qui lui permettra de devenir non pas intelligent, mais carrément génial. Après l’avoir testée sur une souris, les scientifiques sont sûrs de leur coup. Mais Charlie apprend tout à fait par hasard que les facultés d’Algernon, au bout de quelques mois, se mettent peu à peu à décliner. Ce qui ne présage rien de bon pour les siennes.

Une fois cela posé, tout s’accélère. Pris au piège par la fatalité et le temps, Charlie se débat et essaie d’en apprendre le plus possible sur le sujet. On assiste donc à la fois à l’ascension et au déclin de cet homme hors du commun, les deux se lisant dans l’écriture même du roman. Au départ, Charlie fait beaucoup de fautes, écrit en phonétique, coupe les mots de façon eerronée Après l’opération, ses phrases s’allongent peu à peu, se complexifient, le vocabulaire s’enrichit et Charlie devient parfois difficile à suivre, pour le lecteur lambda moins intelligent que lui. En même temps, on assiste à l’ouverture au monde d’un homme qui n’en avait jusque-là pas totalement conscience et qui découvre et analyse beaucoup de choses. La difficile question de l’essence de l’humanité est posée, analysée, disséquée. L’humain n’est-il défini que par son intelligence, et l’abstraite série de chiffres qui détermine son quotient intellectuel?
Ainsi s’affrontent deux points de vues ; celui du scientifique, qui estime avoir « créé » Charlie de toute pièce grâce à son traitement, et celui de sa « création », Charlie, qui soutient -à raison- qu’il existait en tant qu’être humain avant l’opération. Coincé entre les points de vue des deux géants, le lecteur ne peut que s’interroger et tirer les conclusions qui s’imposent.
La question de la dérive scientifique, et de l’éthique de la recherche est, bien sûr, au centre du roman (et reste toujours d’actualité, d’ailleurs). Comme celle de la perception de soi que l’on a et celle des autres. Parce que, finalement, une fois que Charlie a dépassé des sommets d’intelligence, il devient cynique, antipathique et clairement condescendant avec les autres ; exactement comme l’étaient ceux qui se moquaient de lui avant son opération. Preuve, s’il en fallait une, que devenir intelligent ne rend pas moins con. Le drame, là-dedans, c’est que Charlie en a parfaitement conscience, puisqu’il est capable de s’analyser, sans toutefois toujours pousser le raisonnement jusqu’au bout. Mais après tout, personne n’est parfait (et il n’existe pas non plus d’opération pour remédier à cet état de fait).
Cela étant, le roman n’est pas pour autant pessimiste ou défaitiste ; les constats sont posés, il ne reste qu’à tirer les enseignements et réfléchir par soi-même – ce à quoi incite parfaitement l’auteur.

Des fleurs pour Algernon n’est pas seulement un roman qui fait réfléchir ; il prend aux tripes, remue le lecteur jusqu’au plus profond de lui-même et le laisse pantelant à l’issue de sa lecture, les larmes aux yeux et l’âme au bord du naufrage. Difficile de ne pas apprécier ce roman dur, émouvant et splendide, mais empreint  de dignité et d’humanité.

 

Des fleurs pour Algernon, Daniel Keyes. J’ai Lu, 1972 (1955), 251 p.
9,5/10

 

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7 commentaires sur “Des fleurs pour Algernon, Daniel Keyes.

  1. cyru dit :

    roman lu il y a quelques dizaines d’années mais dont le souvenir est très vivace. De plus je lis actuellement Théa pour l’éternité  : dans le roman, une souris s’appelle Algernon,ce ne doit pas être un hasard !  je pense qu’elle va rester dans de nombreuses mémoires –  bonne fin de semaine 

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    • Sia dit :

      Oui, c’est un roman qui reste en mémoire, dont j’avais déjà lu des passages. Je crois que toutes les souris s’appelant Algernon sont en référence! Mais je note Théa pour l’éternité, pour le coup.

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  2. Flora dit :

    Encore une petite pépite, on dirait. Le travail apporté au changement de la rédaction de Charlie est une idée intelligente et originale ! Je note, encore une fois. 🙂

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    • Sia dit :

      C’est très intéressant, même si ce n’est pas le noyau du roman! Ce serait plus l’évolution psychologique de Charlie. Mais ce roman fait partie, je pense, des livres qu’il faudrait lire au moins une fois dans sa vie!

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  3. minouche dit :

    J’avoue, tu me tentes…Mais tu lis tellement de livres qui paraissent passionnants (ou bien est-ce ta façon de les chroniquer ?), que je ne vais jamais pouvoir suivre et lire tout çà !!!!

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    • Sia dit :

      Oh, ça me touche, merci! C’est le problème quand on met le nez dans la blogosphère. Ma liste de livres-à-lire-absolument augmente de façon exponentielle à chaque connexion, c’est aberrant!

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