« Tu deviendras un homme et ton seigneur un dieu », tel est l’oracle que son défunt père a transmis à Euctémon. Si le premier volet de la prédiction lui demeure obscur (n’est-il pas déjà un homme ?), le second lui paraît évident. Car Euctémon est le médecin personnel d’Alexandre le Grand, roi de Macédoine et conquérant de la moitié du monde. Alexandre qu’il a sauvé de la mort à Babylone, qui a conduit ses armées vers l’Occident, qui vient de s’emparer de Rome et s’apprête à l’expédition la plus extraordinaire qui soit : la découverte des régions hyperboréennes, la quête du temple du Destin mentionné par Platon à la fin de La République, où séjournent les Moires qui président aux destinées humaines.
L’Espagne n’est pas le premier pays auquel on pense lorsqu’on évoque les auteurs de l’imaginaires contemporains. Et pourtant, il y en aurait tant à découvrir ! Javier Negrete est de ceux-là.
Le Mythe d’Er commence alors qu’Alexandre a déjà 38 ans. S’inspirant de ce personnage mythique, Javier Negrete tisse une histoire autour de ce que le général aurait pu entreprendre, s’il n’était mort à Babylone. Le récit est vu du point de vue de son médecin personnel, Euctémon ; et le légendaire guerrier n’intervient pas tout de suite, ce qui rend encore plus spectaculaire l’entrée du personnage mythique. L’auteur joue de ce mythe créé autour d’Alexandre le Grand, pour mieux détourner l’histoire.
Suivant l’expédition, on explore la terra incognita des Grecs – une partie de l’Europe – et des terres étranges, où les créatures du folklore côtoient les divinités. Et puis, c’est l’Hyperborée, but du voyage, à la découverte du mythe d’Er, évoqué par Platon. Le roman est donc prétexte à une découverte de récits et pensées philosophiques propres à l’Antiquité grecque, que Javier Negrete maîtrise à la perfection. A la frontière entre fantasy héroïque, uchronie échevelée et voyage homérique, le roman se lit d’une traite ; sans qu’on puisse à proprement parler de suspens, il est gouverné par une tension calculée et maintenue de bout en bout, relevée par l’écriture alerte, accessible (quoiqu’érudite), et vivante. Malgré cela, la fin arrive bien trop vite à notre goût.
Cette fin, éminemment surprenante, remet tout le récit en cause ; elle divisera peut-être. Elle m’a semblé à la fois audacieuse, originale, bien tournée, mais peut-être un peu facile – comme ces coups de théâtre qui ne surprennent plus. A vous de voir, donc ! Mais l’idée n’en reste pas moins surprenante et remarquable, tirant le récit vers la science-fiction.
Javier Negrete propose donc une épopée sertie dans un univers fascinant, digne des récits antiques, menée avec un certain panache et une exaltation toute latine, lesquels rendent la lecture agréable et stimulante. Une belle réussite, dont la brièveté ne gâche en rien le plaisir de lecture!
Le Mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand, Javier Negrete. L’Atalante, 2003, 189 p.
8/10
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J’ai vraiment envie de lire ce livre et les autres livres de l’auteur. Je suis tombé sous le charme de son livre sur Alexandre. En espérant ne pas être déçu.
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C’est ta chronique sur Alexandre qui m’a décidée à lire un livre de cet auteur; le livre en question était pris, donc j’ai lu Le Mythe d’Er (qui chronologiquement est postérieur à Alexandre) et je ne suis vraiment pas déçue!
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[…] Si vous avez aimé, vous aimerez peut-être : Le Mythe d’Er […]
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