Alexia Tarabotti doit composer avec quelques contraintes sociales. Primo, elle n’a pas d’âme. Deuxio, elle est toujours célibataire et fille d’un père italien, mort. Tertio, elle vient de se faire grossièrement attaquer par un vampire qui, défiant la plus élémentaire des politesses, ne lui avait pas été présenté. Que faire ? Rien de bien, apparemment, car Alexia tue accidentellement le vampire. Lord Maccon – beau et compliqué, Écossais et loup-garou à ses heures – est envoyé par la reine Victoria pour enquêter sur l’affaire. Des vampires indésirables s’en mêlent, d’autres disparaissent, et tout le monde pense qu’Alexia est responsable. Découvrira-t-elle ce qui se trame réellement dans la bonne société londonienne ? Qui sont vraiment ses ennemis, et aiment-ils la tarte à la mélasse ?
Mademoiselle Tarabotti, jeune vieille fille de 26 ans appartenant à la bonne société victorienne londonienne, évolue dans un monde où les créatures surnaturelles comme les fantômes, les vampires ou les loups-garous côtoient (presque) pacifiquement les humains lambda. Mais ceci ne la dérange pas plus que ça puisqu’elle même est dépourvue d’âme ce qui, on en conviendra, peut s’avérer assez problématique par moments. Mais cela ne veut absolument pas dire qu’elle n’a pas de caractère; au contraire, le sien est aussi exécrable qu’épouvantable et elle n’hésite pas un seul instant à en faire montre, au grand dam de sa pauvre mère qui a totalement perdu espoir de la caser un jour, et doit supporter ses frasques perpétuelles, et pour le plus grand plaisir du lecteur qui se délecte de ces scènes d’anthologie.
Le caractère de mademoiselle Tarabotti fait très certainement partie des charmes de cet opus: intelligente, volcanique, et pleine de fantaisie, elle fait le partenaire idéal pour lord Maccon, le ténébreux loup-garou enquêteur. Leurs joutes verbales sont tout aussi attendues – voire plus – que les éléments de résolution de l’enquête. Celle-ci exploite parfaitement l’aspect surnaturel de la majeure partie des protagonistes. La mythologie propre à l’univers de Gail Carriger est rapidement et simplement mise en place, sans que l’on se perde de trop dans le vocabulaire propre à son microcosme.
L’intégration des surnaturels dans la société humaine donne une certaine originalité à la chose: finis les complots pour se dissimuler, la crainte d’être vus par les humains! On assiste avec une jubilation certaine aux rapports indécis entre humains et surnaturels qui attirent, fascinent et terrifient tout à la fois les précédents. L’ère victorienne offre de plus de merveilleuses possibilités en termes d’intrigues et de fantastique, tant elle fut foisonnante d’idées, de découvertes et de superstitions -autant d’aspects que l’auteur utilise très bien à son avantage, tout comme le développement des sciences à l’époque.
L’auteur réussit en plus à se démarquer assez nettement des clichés couramment observés dans le genre, pour les détourner à sa guise. Mêlant allègrement les codes des œuvres du XIXe et contemporaines, du steampunk et de la fantasy urbaine (ou bit-lit pour les aficionados du terme, vu qu’Alexia correspond assez bien aux héroïnes prisées du genre, quoiqu’en plus classe), Gail Carriger offre une fiction très décalée. Aux considérations morales et vestimentaires toutes victoriennes succèdent des scènes d’une violence inouïe (planter un vampire avec une épingle à chapeau, a-t-on idée?!) et parfaitement déplacées (oui car après tout, on pourrait apercevoir les chevilles d’Alexia et ce serait vraiment affreux pour sa réputation!) pour ces personnages très ancrés dans leur époque. Ces décalages constants entre les actions des personnages et la morale bienséante à laquelle ils s’astreignent donnent lieu à de savoureuses réflexions et des commentaires à pouffer de rire. Alors certes, l’idylle se voit venir de très loin, et les considérations sur les formes d’Alexia sont un peu lassantes à la longue, mais tout est tellement fait dans le respect des codes de l’époque (et d’autant plus décalés grâce au surnaturel) que l’on pardonne volontiers à l’auteur ce petit écart pour se concentrer sur le reste, hautement mis en valeur par son style. Fluide, tantôt humoristique, tantôt caustique, la plume de l’auteur rend l’aventure trépidante, et distille une tension habilement maintenue, ce qui fait de cet ouvrage un roman dangereusement addictif.
Gail Carriger nous offre donc une intrigue réfléchie et bien menée, animée par des personnages hauts en couleurs que l’on quitte à grand regret. Décalé, décapant, captivant et souvent délirant, ce roman est un vrai coup decœur, que je relirai avec grand plaisir! Tant et si bien que la suite est déjà dans ma PAL!
Je remercie donc très chaleureusement Livraddict et Le Livre de Poche, grâce à qui j’ai pu faire cette excellente découverte!
◊ Dans la même série : Sans forme (2) ; Sans honte (3) ; Sans cœur (4).
Le Protectorat de l’ombrelle #1, Sans âme, Gail Carriger. Le Livre de Poche, 2012,425 p.
9,5/10.
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Je me garde le 3 pour cet été !
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Ta critique élogieuse confirme mon envie de le lire.
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Eh bien, j’espère que tu ne seras pas déçu!
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Ah il traine dans ma PAL, ca me donne bien envie de le découvrir!!!;)
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Cette série est vraiment excellente !!
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[…] Gail Carriger, j’ai lu quelques tomes du Protectorat de l’ombrelle, une série que j’affectionne particulièrement. Le Pensionnat de Mlle Géraldine me tentait […]
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J’ai adoré découvrir ce premier tome, j’ai passé un excellent moment. Il est vrai que les remarques sur les formes remarquables d’Alexia est un peu saoulant et l’idylle entre elle et Lord Maccon est prévisible mais j’ai été surprise de voir que ça avançait très vite contrairement à d’autres séries qui font traîner ça sur plusieurs tomes.
J’ai hâte de lire la suite ^_^
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Il me semble que j’avais trouvé le début du tome 2 hyper long mais ensuite c’est aussi bon que ce premier volume ! Et si tu n’as rien contre la jeunesse, il y a les aventures de Sophronia dans le même ordre d’idées !
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